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ai 1968. Le mouvement étudiant a pris une ampleur considérable tandis que le monde ouvrier commence, lui aussi, à se mobiliser. Gabriel a 23 ans, travaille à l’usine et jette un œil distrait sur les événements qui se déroulent dans les rues de la capitale. Adopté à sa naissance par un couple de paysans qui ne lui a rien laissé en héritage, il est monté à Paris pour suivre Camille, une amie d’enfance. Spectateur de sa vie, il se laisse finalement entraîner par la jeune fille dans une manifestation lors de laquelle il est arrêté par la police. Traité de « fils de boche » par un agent des forces de l’ordre, il décide, pour la première fois, de prendre en main le fil de son existence et de replonger dans son passé pour percer le mystère de ses origines.
Après L'Envolée Sauvage et les horreurs de la Shoah, Laurent Galandon revient sur un autre sujet douloureux de la moitié du 20e siècle, les femmes tondues. Humiliée pour avoir eu l’audace d’entretenir une liaison amoureuse avec un Allemand, Madeleine est l’une d’elles. Gabriel est le fruit de cette union jugée scandaleuse pour l’époque. Ainsi commence la difficile recherche d’identité d’un jeune homme blessé qui a enfin trouvé le courage de partir en quête de la vérité.
Malgré un thème relativement classique, l’auteur incorpore quelques ingrédients qui rendent la lecture très attrayante. Le Paris de mai 68, tout d’abord, apporte une couche historique supplémentaire, en toile de fond, sans pour autant alourdir le récit. De même, les flashbacks, nécessaires mais utilisés avec parcimonie, n’altèrent pas la fluidité de la narration. Quant au personnage de Gabriel, il est moins lisse qu’il ne paraît et ne livre que lentement tous les secrets de son passé. Quelques rencontres insolites dans le milieu de la prostitution ou dans un couvent viennent également égayer quelque peu une histoire rondement menée. Que dire, enfin, des deux dernières pages, inattendues, qui donnent une tout autre dimension à l’intrigue et annoncent une suite des plus intéressantes.
Le dessin d’Arnon Monin semble, lui aussi, avoir muri depuis sa première collaboration avec Laurent Galandon dans L'Envolée Sauvage. Son trait s’est affirmé, ses personnages semblent plus consistants même si certains d’entre eux, notamment Sœur Marie, basculent dans la caricature et pénalisent les efforts déployés pour jouer la carte du réalisme. Un cahier graphique constitué de crayonnés, en début d’ouvrage, constitue un joli bonus sur le travail de l’auteur.
Prévu en cycles de deux albums, l’Enfant Maudit offre une entrée en matière pour le moins prometteuse. Même s’il est encore un peu tôt pour se faire une idée précise de la série, Les Tondues pose les bases d'un scénario suffisamment solide pour afficher un relatif optimisme.
Les avis
tetejeje
Le 31/05/2009 à 20:36:50
Exceptionnel...
Une histoire parfaitement menée, des personnages très bien mis en situation, des retours en arrière qui font découvrir le passé de cet enfant maudit qui recherche ses origines.
Vivement la suite pour en savoir un peu plus...
Hugui
Le 30/05/2009 à 17:51:04
Nouvelle histoire sensible de Laurent Galandon qui nous raconte cette fois la quête de Gabriel, ouvrier parisien entrainée sur les barricades de mai 68 par une amie, à la recherche de son origine après le choc de s'être fait traiter de boche par les CRS qu'il avait traité de SS.
Le dessin original de Arnaud Monin se prête bien à créer l'ambiance de l'histoire de ce jeune homme ordinaire à la recherche d'un passé peu banal, et les allez retour entre 1945, 1955 et 1968. Les révélations de ce premier tome nous laissent dans une expectative nous donnant envie de connaitre suite.
Une nouvelle réussite du tandem.