Résumé: Une femme au visage aveugle dessine à l’encre le contour de ses yeux. Un singe malicieux vole son encrier et le boit. La voici borgne. Notre héroïne passe d’abord sa colère en pissant sur le cactus favori du singe. Vengeance !
Elle se jette ensuite à corps perdu dans une quête d’encre et d’indépendance, au risque de perdre définitivement la mise.
Elle voit d’abord sa chance dans le poulpe que découpe un cuisinier... Raté ! Chutes, courses et cascades, vaines tentatives avec divers liquides : elle souffre et saigne, dégringole, essaye le mazout, la lave... Rien n’y fait. Rien ne peut remplacer la précieuse encre.
L’urgence du désir pousse le personnage à prendre son destin en main. Courant à demi-nue, de plus en plus couverte de tâches, notre héroïne poursuit une ressource qui la fuit, pour retrouver un oeil et son intégrité physique.
À travers une narration sans fioriture ni dialogue, et un langage graphique simple et percutant, Anna Sommer livre un récit déroutant, entre la légende contemporaine et le manifeste d’autodétermination. A l’origine de ce récit muet, finement réalisé en papier découpé, la légende du moine bouddhiste Daruma qui se coupa les paupières pour mieux méditer, et les porte-bonheurs du même nom.
Les porte-bonheurs en papier mâché Daruma sont ronds mais se relèvent toujours si on les pousse vers l’arrière. Les deux espaces vides à la place des yeux doivent être dessinés par leur acquéreur : l’œil gauche est dessiné pour formuler un vœu, l’œil droit lorsque celui-ci est exaucé. Une fois le vœu réalisé, le Daruma est brûlé. Mais avant cela, il doit rester bien en évidence sur un meuble, pour rappeler en permanence la volonté de réaliser le souhait.
Pour L'Encre, Anna Sommer a découpé au scalpel dans un papier japonais souple et résistant. La finesse et la légère résistance des deux outils donnent ces courbes et ces formes anguleuses, ces lignes légèrement cassées. La gamme de couleurs sélectionnées et la matière visible du papier s'épanouissent parfaitement dans ces découpages, qui ramènent le dessin à un geste très simple : associer des formes et des motifs sur le papier et voir la chose figurée apparaître... comme un vœu s'exauce.