Résumé: Oh t’inquiète pas. Ils frappent pas les infirmes… Au pire, ils me piquent mon fauteuil pour promener leurs mômes. Ha ha !
Tonio, on va lui couper sa dernière jambe. Lui et moi, ça fait un bail qu’on traîne ensemble. On est restés au quartier, on s’est débrouillés comme on a pu. On a bien vieilli ? Je sais pas.
G
amin, Tonio n’avait peur de rien. Pour impressionner ses camarades, il a fait toutes les fanfaronnades imaginables… même celle qui lui aura presque été fatale. Désormais adulte, il se déplace en fauteuil roulant. Aigri, le matamore est seul et paumé. Despote et centré sur lui-même, il tue le temps en parcourant les rues où il peste contre tout un chacun. Un copain lui témoigne de la sollicitude, mais le casse-cou le transforme en souffre-douleur.
Gilles Rochier signe le scénario de cette improbable amitié. L’histoire se révèle sommaire, le rythme lent et les rebondissements rarissimes. Et pourtant ça fonctionne. Par courts épisodes, certains actuels, d’autres tirés de l’enfance, l’auteur raconte la triste existence de celui qui n’a plus la capacité de sauter les clôtures, grimper sur les grues ou braver les molosses. L’intérêt de ce récit se trouve aussi dans ce qui n’est pas exprimé. Par exemple les noms. Si celui de l’égocentrique est mentionné des dizaines de fois, les autres personnages n’en ont pas. Ils sont « mec », « chef », « les filles », « tata » ou encore « ma sœur », comme si un seul acteur pouvait être nommé. De la même façon, la vie de celui qui lui est resté loyal est pratiquement passée sous silence ; le lecteur entrevoit ses enfants et sa compagne, mais la famille ne mérite pas de réelle considération puisque tout doit graviter autour d’un individu qui a toujours été au centre de l’attention.
Nicolas Moog situe l’action d’En roue libre dans une cité grise, bétonnée et carrée. Gratifiés d’un peu plus de rondeurs, ses interprètes rappellent ceux de Manu Larcenet à l’époque du Retour à la terre. Le trait de l’artiste est habituellement minimaliste, les décors sont simples, voire inexistants et les personnages succincts. Privilégiant une double monochromie, les couleurs de Jiip Garn sont à l’avenant. Il n’y a pas de lumière dans ce monde dépeint en gris, les rares éclaircies demeurent celles proposées par les va-et-vient dans le passé que le coloriste dépeint en orange.
Une étrange fable sur une camaraderie asymétrique et malsaine sur fond de manipulation et de culpabilité.
Les avis
Erik67
Le 22/12/2020 à 09:25:16
J'avoue avoir été particulièrement choqué par la fin. Voilà un jeune homme d'un quartier qui se lie d'amitié avec un unijambiste en fauteuil roulant qui lui crachera dessus toute sa haine. Cela ne donne pas vraiment envie d'être gentil avec les handicapés ou d'avoir un peu de compassion en les emmenant à la mer pour se changer les idées. J'avoue ne pas comprendre cette crise existentialiste.
Par ailleurs, dans le cas présent, la personne concernée l'a vraiment un peu cherché à force de jouer avec la mort dans des jeux débiles pour prouver sa virilité. Voilà où cela peut mener sans être particulièrement moralisateur. Mais bon, on ne peut pas se taire devant tant de cynisme. Une bd presque malsaine.