À
peine arrivés à Bridgertown, Sir Kelton d’Eldergard plante son écuyer à l’auberge locale pour partir bille en tête à l’assaut d’une vieille tour. C’est là qu’un dragon a élu domicile et passe son temps vautré sur un trésor, quand il ne boulote pas les moutons offerts par les habitants terrorisés et isolés depuis qu’il a détruit leur pont. Attentif aux témoignages de chacun, l’écuyer esseulé tente d’y voir clair. Doit-il prêter foi à cette malédiction lancée par un sorcier disparu ? Qu’en est-il de cette légende autour d’un fantôme ? Et comment consoler le petit Cade dont le chien est mort ? Hésitant sur la piste à suivre, l’adolescent croise témoignages et indices, lorsqu’un nouvel incident survient, agitant un peu plus des villageois à cran.
Après ses Bix et Deux généraux, Scott Chandler revient avec un diptyque campé dans un univers médiéval fantastique. Les ingrédients paraissent assez classiques : une bourgade en émoi, une vilaine créature qui leur en fait voir de toutes les couleurs, un zeste de magie et un duo drôlement assorti. Cependant, le ton et la bonne dose d’humour qui saupoudre généreusement l’ensemble font toute la différence. Car, dès les premiers instants, le preux se révèle plus loquace qu’efficace, tandis que son jeune compagnon ne manque pas de jugeote. Le fanfaron en armure rapidement expédié vers un objectif d’où il tarde à revenir, le récit se concentre sur l’enquête menée par son servant qui n’est jamais nommé que par sa fonction. Certes, l’inversion des rôles n’est pas une idée novatrice, cependant elle fonctionne très bien et cela pour le plus grand plaisir des lecteurs, d’autant que l’adversaire redouté réserve, lui aussi, quelques amusantes surprises.
Ces éléments constituent le lit d’une intrigue riche en rebondissements et ne souffrant d’aucun temps mort. Que ce soit dans les séquences d’action ou dans celles montrant le héros en pleine réflexion, l’attention est fermement captivée. Habilement construite, la narration sait ménager le suspense, tout en apportant progressivement les réponses attendues. Par ailleurs, les personnages, principaux comme secondaires, s’avèrent bien caractérisés et ne manquent pas de faire sourire à plusieurs reprises, à l’instar de dialogues qui n’hésitent pas à glisser une pointe de surenchère ou de joyeux décalage.
La partie graphique n’est pas en reste. Le trait semi-caricatural est expressif et anime plaisamment des acteurs diversifiés (quelle trogne a cet immense bibliothécaire doté de trois yeux et quatre bras !). Le découpage ainsi que la composition des planches assurent une bonne lisibilité et une belle dynamique d’ensemble. Certains passages, souvent muets, dégagent de véritables atmosphères et transmettent de manière convaincante les sentiments qui traversent l’écuyer : inquiétude, attente, besoin d’éclaircir le mystère.
Amusement et détente attendent les lecteurs dans ce premier épisode de L'écuyer et son chevalier. Aucun maléfice ne vaut la peine de s'en priver, alors plongez-vous dedans.