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i>Dans une cité surréaliste, où les horloges se comptent par dizaines et les habitants sur les doigts d'une main, on se nourrit d'oiseaux que l'on pèche sur des barques dans le ciel. Les racines des arbres embrassent les plus hautes tours, tandis que l'eau a deserté les canaux. Là vivent Nonnette et son mari, qui préparent l'arrivée des touristes : elle confectionne des masques peints à la main, et lui règle quotidiennement la mécanique de chaque pendule à automates. Malheureusement, la Grande Faucheuse passe sans prévenir et laisse un souvenir sous les traits d'un bébé...
Il est difficile de parler d'Echec & Automates sans fragiliser le bonheur de la découverte d'un univers extrèmement poétique. L'histoire fait la part belle à la rêverie et à l'imagination, certains trouveront alors le scénario de Philippe Segard trop léger et l'album vite lu. En effet, le quotidien de cet homme aux allures de marins et de son petit garçon, se destine aux amateurs de jolis contes dans un univers enfantin et magique, matérialisé par les automates et les masques. Ces deux personnages sont véritablement attachants et touchants. L'un découvre la vie avec la candeur qui caractérise les enfants, tandis que l'autre se découvre un coeur et une âme paternelle. Alors que nous nous laissons aller à imaginer la cité grandeure nature et ses deux habitants , le fin de cet album nous surprend. Elle joue sur l'émotion et arrive assez brutalement, mais la dernière planche, très efficace dans le registre émotionnel, conclut de belle manière ce joli conte...
Pour représenter la Venise d'un autre temps et ce récit fabulique, Arnaud Quéré nous offre des planches de toute beauté. En dehors des personnages au physique atypique, tout particulièrement l'enfant à la bouille craquante et au regard attendrissant, les décors sont tout simplement superbes. Comment ne pas être admiratif devant une telle maîtrise des perspectives qui donne une immensité vertigineuse aux batiments ? Les plus beaux exemples sont les vues des horloges et des automates. Le dessin donne toute sa dimension poétique à l'histoire, d'ailleurs accentuée par une mise en couleurs pastelles du plus bel effet, mais également à l'esprit loufoque de la vie des personnages.
L'histoire, le dessin et les couleurs sont indissociables tant ils se marient à merveille. Deux auteurs et une série à suivre après ce très joli premier tome, qui peut d'ailleurs se lire comme un one-shot. C'est une jolie surprise publiée par les éditions Carabas, et on attend déjà avec impatience les prochains volumes de cette fresque atypique et poétique.