Résumé: On aurait sans doute tort de considérer Michael DeForge comme un dessinateur purement dévoué au bizarre, un obsédé du glauque et un apôtre du malsain. Certes certes certes, le prodige canadien s’aventure souvent dans des recoins bien sombres, et n’a pas peur de jouer avec les aspects les plus monstrueux de l’être humain; mais ce qui fait que le travail de DeForge est parfois dérangeant tient moins d’une volonté superficielle de se complaire dans le «trash» que d’une certaine faculté à toucher là où ça fait mal, là où gît une vérité peu agréable à entendre. Cette vision du monde, parfois peu amène, parvient au lecteur dans une forme sans cesse renouvelée, le trait s’adaptant au sujet et aux ambitions de chaque histoire. DeForge n’est pourtant pas qu’un pur formaliste, et il faut souligner son travail sur la narration, son vrai talent d’écriture et son attachement aux mots. Toutes ces qualités, on les retrouve dans Dressing. A l’image de certains écrivains orfèvres de la nouvelle plutôt que du roman fleuve, DeForge excelle dans les histoires dites courtes, des récits de quelques pages aux situations souvent kafkaïennes, traversés de personnages victimes des circonstances, ignorant jusqu’au bout le pourquoi de leur destin; des histoires courtes aux décors changeant – Mars, le Pôle Nord, une chambre d’hôtel, l’intérieur d’une tête, une jungle emplie d’animaux armés – mais qui disent bien plus qu’il n’y pourrait paraître toutes les blessures et les perversions de l’âme humaine.