Info édition : Volume double regroupant les tomes 1 et 2 de l'édition originale.
Résumé: Lors d'un voyage organisé par une école, un train déraille dans un tunnel. L'accident, dont la cause semble aussi imprévisible qu'insolite, est si brutal que tous les passagers du train meurent sur le coup, exceptés deux garçons et une fille. Téru, Nobuo et Ako, trois rescapés se retrouvent enterrés sous les décombres du tunnel et sont désemparés en découvrant toute l'horreur de la réalité. Un huis clos angoissant se met lentement en place, montrant la réaction des trois jeunes élèves face au chaos.
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ublié pour la première fois en 1995, Dragon Head a marqué sa génération. Le récit s’ouvre sur le théâtre d’un accident : un train disloqué rempli de corps sans vie. Il fait sombre, la scène se passe apparemment dans un tunnel. Au milieu du chaos, un survivant émerge, puis un deuxième. Finalement, ils seront trois à avoir survécu à la catastrophe. Problème : ils sont coincés là, car des éboulements bloquent les deux seules voies de sortie. L’aventure commence, ou plutôt, l’angoisse. Celle-ci s’installe, torture et étouffe les jeunes gens. Pourquoi et comment survivre alors que tout le monde est mort ?
Conte cruel sans concession, Dragon Head met à l’épreuve ses héros en testant leur résistance face au stress le plus intolérable. Enterrés vivants, sans espoir de secours, ils doivent résister pour éviter de tomber dans le désespoir et la folie. Teru, semble être le plus astucieux, la frêle Ako espère seulement ne pas craquer, tandis que Nobuo s’enfuit au fin fond de son subconscient pour trouver un sens à ce mauvais sort.
Affrontements physiques et psychologiques, moments de désolation, peu ou pas de possibilités de salut, Minetaro Mochizuki prend le lecteur à la gorge et ne le lâche pas tout au long des quatre cents pages de ce premier tome. Le scénario aurait pu facilement tomber dans l’outrance gratuite. Heureusement, la précision et le dépouillement de l’écriture permet de ne conserver que l’essentiel : les émotions et les réflexes primordiaux. Résultat, il est impossible de lâcher l’album tant l’identification est forte et pesante.
Reste la question de la mise en image. Là aussi, le travail de Mochizuki fait mouche. La noirceur et les gravats semblent prendre vie, alors que la fatigue et la lassitude assomment les adolescents. Les ombres se font yôkai diaboliques, les échos des respirations (formidables onomatopées en kanji !) , le murmure du feu des enfers. Dans le même temps, le dessinateur a gardé une forme de retenue dans sa manière de s’exprimer. Le découpage laisse tout l'espace nécessaire à l’atmosphère pour se développer : quelques effets personnels abandonnés ou une pièce de métal tordue et menaçante suggèrent le pire sans en dire plus. Et puis, il y a la paroi de roche, impitoyable rempart minéral qui, malgré ses fissures, bloque toute chance de liberté.
Haletant, prenant et d’une richesse thématique insoupçonnée, Dragon Head trouve logiquement sa place dans le panthéon du manga aux côtés de titres comme Akira et autre Monster.