Info édition : Contient Divinity II (2016) #1-4.
En bonus 18 pages de "commentaires des auteurs" + 9 pages de galerie de couvertures + 3 pages crayonnées-encrées.
Résumé: À l’apogée de la Guerre Froide, l’Union Soviétique est déterminée à gagner la course à l’espace. Elle se lance dans une mission secrète incroyablement ambitieuse : envoyer trois cosmonautes aux limites de l’univers connu, là où personne n’est jamais allé. Orphelins triés sur le volet, entraînés tels des communistes modèles, interdits de
fonder une famille, ils se sont perdus dans l’espace et ont rencontré quelque chose d’Inconnu… quelque chose qui les a changés.
C’est maintenant à Myshka, la femme co-pilote du groupe, de retrouver le chemin de la Terre. Mais contrairement à Abram, elle n’a aucune famille secrète. Elle croit toujours en l’idéal communiste. Et elle compte bien remplir sa mission : restaurer la gloire soviétique.
l
s étaient trois, trois soldats entraînés dès leurs plus jeunes âges pour aller aux confins de l'espace y découvrir les limites de l'Humanité. Pendant que les américains posaient le pied sur la Lune, Valentina, Kazmir et Abram s'embarquaient pour un voyage de plusieurs décennies qu'ils pensaient sans retour. Alors qu'ils trouvaient ce pour quoi ils avaient été envoyés, Abram se laissait submerger par son envie de revenir près des siens et une fois rentré en contact avec l'entité rencontrée, « l'Inconnu », abandonnait ses complices et revenait sur Terre. Après le retour de celui que l'on appelle alors The Divinity, c'est au tour de Valentina de revenir. Dotée elle aussi de nouvelles capacités, ses ambitions sont tout autre et sa colère énorme...
En 2016, un nouvel éditeur se lançait dans le bain ultra-concurrentiel des comics et se proposait de prendre la suite de Panini en (ré)éditant les héros de Valiant en France. Bliss Comics ouvrait ainsi son catalogue en Avril avec un one-shot, The Valiant, introduction de l'univers avec Jeff Lemire et Matt Kindt aux manettes, et une série, Bloodshot Reborn, pilotée par le canadien. Depuis, le catalogue s'est étoffé avec toujours le même soucis de cohérence : d'une part, de nouveaux titres centrés sur les personnages récurrents (Bloodshot, Quantum and Woody, Faith) ; d'autre part, de belles et grosses intégrales permettant de retrouver l'existant (Archer & Amstrong, Raï, Harbinger, X-O Manowar). Cerise sur le gâteau, parallèlement à ces gros pavés, ils mettent à disposition chaque tome (les anciens comme les inédits) en version numérique (sur Comixology). Du beau boulot !
Matt Kindt, auteur maison prolifique (Rai, Ninjak), délaisse - un peu - les super-héros pour composer une ambitieuse épopée de science-fiction. Après un premier acte de qualité, ce nouvel opus s'intéresse au retour au bercail de l'ancienne partenaire d'odyssée d'Abram. Et cette fois, exit les regrets et l'envie de rattraper le temps perdu, si la nostalgie est de mise, elle trouve sa place dans le souvenir de la grandeur soviétique qui hante la jeune femme. Travaillant la psychologie de son héroïne par le prisme de l'endoctrinement - via les flashback - et de la rancœur grandissante - à mesure qu'elle découvre l'évolution de son pays -, le scénariste dresse le portrait d'une femme forte, marquée et décidée. Au-delà de restaurer le prestige de la nation en mettant ses capacités au service du pouvoir en place, son but est aussi de se venger de l'abandon dont elle a été victime. Lorsque vient l'heure de l'affrontement attendu ce n'est pas la prévisible orgie de combats où le Bien et le Mal se déchirent, mais plutôt une introspection que le scénariste propose. Ce choix, habile et maîtrise, entretient l'intérêt sans verser dans l'idéologie de salon. Dans un environnement uchronique sombre, les deux protagonistes s'opposent alors à travers les lieux et les époques : le pardon répond à la rage, le calme à la rancœur, l'acceptation du passé à l'envie de modifier le présent.
La prestation de l'équipe graphique - le même trio au dessin/encrage/couleurs que précédemment - est dans les canons du genre, mélange réussi de modernité et ambiance « à l'ancienne ». Sans alourdir le propos ni tomber dans l'excès d'effets, ils offrent un travail propre, net et efficace, et grâce à un découpage varié et étudié, la lecture reste fluide. Le trait vif de Trevor Hairsine est bien mis en valeur par l'encrage, nuancé mais plein de finesse, de Ryan Winn et les couleurs sobres de David Baron.
Deuxième acte réussi, The Divinity II remplit sa mission tout en ouvrant la voie à l'album suivant (sur quatre prévus), Stalinverse. Une nouvelle preuve que Valiant via Bliss Comics offre une vraie alternative aux deux mastodontes du segment, DC et Marvel.
Les avis
Shaddam4
Le 31/08/2018 à 15:35:50
Pour qui a lu le tome 1 de Divinity la fin pouvait laisser entendre un format one-shot. Les auteurs ont su prolonger cet épisode qui peut donc se lire seul, en changeant le traitement et les thématiques sur le tome 2, créant plus qu’une série en trois volumes, trois one-shot ayant leur identité propre et liés très intelligemment par le principe du temps modifié comme je vais vous l’expliquer. Pour la question éditoriale, reportez-vous à ma critique du tome 1, les deux autres volumes sont du même acabit, avec des couvertures chaque fois plus belles et du contenu making of réellement conséquent.
Divinity 2 fait donc intervenir Mishka, une des trois cosmonautes envoyés vers l’Inconnu par les soviétiques et qui revient sur Terre désolée de la disparition de l’idéal communiste et bien décidée à rebâtir une temporalité où l’URSS a perduré. Si la dimension émotionnelle et intérieure d’Abram Adams prédominait dans le premier volume, ici l’affrontement idéologique entre les deux êtres supérieurs se déroulera dans le temps, basculant sans cesse d’une réalité à une autre, où l’URSS a conquis le monde /où l’URSS a disparu. La dimension politique assumée est surprenante dans cet album qui fait intervenir Staline, Gorbatchev et Poutine et assume la réflexion sur le conflit idéologique entre l’égalitarisme et l’individualisme. Matt Kindt reste distant quand à la critique habituelle de l’empire soviétique dans les comics américains. S’il montre des clochards et la soupe populaire cela n’est pas sans parallèle avec le cynisme des personnages américains et le nationalisme impérialiste des généraux fait face à des dirigeants incontrôlables de firmes militaro-industrielles américaines dans l’univers Valiant. Aucun jugement du scénariste donc, mais plutôt une mise en perspective à laquelle nous n’avons pas l’habitude et qui est vue au travers du prisme d’un soldat idéal voué fait et cause à sa patrie et revenant dans un monde où sa raison d’être n’est plus.
L’affrontement (très graphique, avec par exemple cette incroyable planche en forme de livre) sera donc plus conceptuel que physique entre les deux Divinity (comment pourrait-il en être autrement avec de tels pouvoirs?), Abram tentant de convaincre Mishka qu’elle a le droit d’avoir ses propres espoirs et d’aimer. Dans ce volume les héros Valiant sont quasi inexistants car dès le début Divinity rappelle que lui seul peut s’enfermer dans une « prison ». S’il semble avoir gagné à la fin, il nous est fait subtilement comprendre que lorsque le temps est modulable, un rien peut le modifier et que de profonds changements peuvent ne pas avoir été perçus…
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/08/31/divinity-2-3/