L
a mère Russie a financé le voyage de trois spationautes aux confins de l’Univers alors que la patrie ricaine n’en était qu’à des balbutiements. Pendant que l’Histoire retenait les premiers pas sur la Lune de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin, le trio de pionniers soviétiques a accompli sa mission. Ils ont atteint les limites du cosmos et ont rencontré une entité extraterrestre. Cette dernière a affecté leurs métabolismes. Désormais, ils possèdent le pouvoir des dieux. Ils sont Divinity ! Rentré en premier sur Terre, Abram a trahi ses acolytes dans l’espoir de partager des instants avec sa compagne, laissée derrière lui, enceinte, une cinquantaine d’années auparavant. Plus tard, Valentina fera triompher la pensée communiste en altérant le continuum espace-temps. Quant à Kazmir, les conditions terribles de son retour parmi les siens alimentent sa haine et ses désirs de vengeance !
Bliss Comics réédite l’intégralité de la saga Divinity, les épisodes de la série régulière, les tie-in du « Stalinevers » (repositionnés, pour l’occasion, en clôture d’album), ainsi que toute une constellation de bonus. S’inscrivant parfaitement au sein de la galaxie Valiant, tout en étant facile d’approche, la trilogie a reçu un accueil favorable du public et de la critique. Sur notre canal de communication, M. Moubariki et O. Vrignon, respectivement chroniqueur du second et du dernier tome, ont également salué l’œuvre et ont brillamment retranscrit les qualités intrinsèques de ce récit : un divertissement ambitieux dans la forme, sur fond de science-fiction et saupoudré d‘uchronie politique. Le génie de ce roman-fleuve est assurément d’opter pour des héros russes, à l’instar du Superman - Red Son de Mark Millar et de Dave Johnson. Modifier le prisme de lecture d'une narration mono-centrée sur l'Oncle Sam, apporte beaucoup de fraîcheur dans les intentions des protagonistes. Les auteurs, sans manichéisme, décrivent des interactions entre ses interprètes animés de volontés propres au cœur du système planifié et dictatorial de l'URSS. Jamais accusateur à l’encontre du collectivisme, l’équipe créative utilise à merveille les symboles bolchéviques pour bâtir un monde cohérent et très visuel. Le rouge, le marteau, la faucille ou encore les portraits de Staline à Poutine et même les costumes austères, puis l’anecdote de l’événement de la Toungouska, tous ces lieux communs sont articulés de manière à créer des images fortes. Un régal pour l’œil !
L’omnibus présente quelques galeries de personnages et des couvertures variantes, un peu convenues. Plus intéressant, plusieurs pages sont reproduites entièrement et sont découpées en tranches verticales en respectant un rythme ternaire. La partie gauche met à l’honneur le crayonné, l’axe central se consacre à l’encrage et enfin, le bord droit est entièrement colorisé. Cette frise permet de détailler l’implication de chacun dans la réalisation des kiosques. L’idée géniale du directeur de publication est de proposer des commentaires de ces planches. Tour à tour, du scénariste à l’éditeur, en passant par le coloriste et le lettreur, les concepteurs nous expliquent les arcanes de la fabrication. Auréolé de nombreux compliments de ses pairs, et d’une bonne touche d’humour lorsqu’il se risque à l’exercice, la maestria graphique du dessinateur Trevor Hairsine saute aux yeux. Sa facilité à produire du mouvement à l’intérieur du médium statique de la bande-dessinée et sa capacité à communiquer des émotions en font l’un des grands artisans de l’industrie du comics-book.
Ne doutez plus, bouclez vos ceintures, clipsez la visière de votre scaphandre, serrez fort votre ticket de rationnement, décollage imminent direction une planète alternative où l’éther recomposé ne vous aura évidemment pas épargné !