Résumé: Remontez jusqu'à l'ère lointaine du Déluge, celle qu'évoquent à demi-mots tous les textes anciens de l'humanité... En ces temps de famine, Sans-Voix, un jeune singe orphelin, cherche à prouver sa valeur à son clan d'adoption en chassant le « longue-gueule », un vieil alligator blessé et vicieux. Manger ou être mangé : le cycle immuable de la nature. Mais en osant s'aventurer au coeur des terres interdites, celles des humains, Sans-Voix sera confronté au plus cruel des destins : voir les siens massacrés sous ses yeux avant d'être capturé puis dressé dans les arènes de l'Empire afin de devenir un « Dieu-Fauve », un guerrier sacré façonné pour la violence et l'art du combat. Mais ces longues années de souffrance auront surtout fait grandir en lui une brûlante obsession : se venger de ses bourreaux, quel qu'en soit le prix. Récit de bruit et de fureur, empreint d'une poésie sauvage, Le Dieu-Fauve dresse le portrait d'une civilisation soudainement confrontée à la perspective de sa disparition. Mettant les nerfs à vif, cet album donne à voir et à ressentir la violence de la nature, la chaleur étouffante, le bourdonnement des insectes, les cris de rage et les larmes de désespoir des protagonistes, croquant avec force le ballet incessant qui fait s'entrelacer la vie et la mort, le règne animal et l'humanité. Car, au fond, qui est le réel héros de cette histoire ? L'homme ou... l'animal ? Une oeuvre à la construction magistrale, écrite par Fabien Vehlmann et portée par le dessin spectaculaire de Roger.
A
lors qu'il rêve de prouver sa valeur à son clan et, peut-être, en prendre la tête, Sans-Voix voit sa vie basculer le jour où lui et les siens croisent la route de la plus grande menace du monde : les humains. Enlevé par une caravane en route pour des obsèques impériales, le jeune singe va vivre un enfer. Éduqué dans les coups, la souffrance et la crainte, il n'aspire qu'à retrouver sa liberté. Mais, au fond de sa cage ou dans une arène, ses possibilités sont limitées malgré une rage qui ne fait que croître...
2024 est décidément un millésime prolifique pour Fabien Vehlmann. Après le retour de sa série fétiche Seuls (avec Bruno Gazzoti aux dessins et Usagi aux couleurs), puis le premier tome de La cuisine des Ogres (dessins et couleurs de Jean-Baptiste Andréae), le scénariste s'associe au dessinateur Roger (connu notamment grâce à la série Jazz Maynard) pour son troisième album de l'année. Ensemble, ils s'essaient à un genre qu'ils n'ont jamais exploré : l'heroïc-fantasy. Que les puristes rangent leur fourche. Malgré l'absence de magie, de nains ou d'elfe, les auteurs construisent bien un monde imaginaire, où le personnage principal va poursuivre, coûte que coûte, sa quête de vengeance. Seulement ? Non, cela serait trop simple, trop attendu voire trop facile.
Fabien Vehlmann part donc des stéréotypes du genre pour en prendre le contre-pied et surprendre. Dans ce récit choral, découpé en quatre chapitres pour autant de narrateurs, il entraîne son lectorat dans le sillage de destins qui se croisent, s'entrechoquent et se fracassent. Plongés au milieu d'un monde au bord du précipice, frappé par une apocalypse qui a fait chavirer tous les repères, toutes les règles et a bouleversé l'ordre social, les lecteurs découvrent les rapports qui régissent cette civilisation à l'agonie. Superbement mise en image par Roger, la violence - celle entre animaux, celle des hommes entre eux ou envers les bêtes ou encore celle de la nature - en est l'élément central.
Qu'elle soit subie ou volontaire, défensive ou assumée voire revendiquée, elle gouverne les interactions entre les personnages et impulse le tempo. Le trait dynamique et l'encrage caractéristique de l’artiste espagnol collent parfaitement au rythme nerveux et exacerbe l'urgence et la tension qui se transpirent de cette histoire. Grâce à sa mise en scène au cordeau, alternant entre scènes de combats et séquences plus introspectives, il se dégage des quelque cent douze planches une sensation de fin des temps. Les questionnements de chacun des quatre narrateurs internes sont mis en relief par une voix off omniprésente. Très bien utilisée, elle amène le lectorat à changer de point de vue pour mieux ressentir les doutes et les émotions. De plus, ces récitatifs envoûtants permettent de dépeindre les motivations des protagonistes - sans les dédouaner ni les excuser - et d'étoffer leurs psychologies contribuant, comme le dessin de Roger, à les rendre d'autant plus vivants.
Sombre et cruel, Le Dieu-fauve est une fable où la violence des Hommes et des animaux trouve son écho dans celle du monde où ils évoluent. Un voyage déstabilisant et prenant qui ne laissera pas indifférent.
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Les avis
Corentin ROBIN
Le 20/04/2024 à 16:48:50
Bon, on va commencer par ce qui m'a le moins plu. Je ne suis pas convaincu que ce genre de dessin convienne a cet album (le mouvement est bon, c'est dynamique, mais les personnages et animaux trop " longs ", absence de decors, difficultees a reconnaitre et a sexualiser les protagonistes parfois...) Le dessinateur a indubitablement du talent, mais la, surtout avec les corps denudes, je n'y ai personnellement pas trouve mon compte. Chacun aura son opinion. Et les couleurs, c'est pire! Trop fades, trop sombres, surtout ne pas lire cette BD a la lampe de chevet!
Le scenario, j'ai prefere, Mr Vehlmann a les qualites qu'on lui connait. Faux-semblants et retournements de situations sont son apanage, et l'idee de donner les points de vue de differents protagonistes est tres bonne. La fin est bien reussie aussi: l'histoire est un eternel recommencement.
Bref malgre mes reserves sur la partie graphique je ne regrette pas mon achat car le scenario est vraiment tres bon.
minot
Le 11/04/2024 à 14:00:37
Bonne histoire, bien qu'un peu trop "bavarde" à mon goût. Le scénario est aussi cruel qu'haletant, et ce jusqu'au bout. Le dessin bien dynamique est très classe et sert bien le scénario. Seule la colorisation dans des tons majoritairement noirs / bruns / gris m'a un peu moins emballé; j'aurais préféré quelque chose dans des tons plus lumineux, mais bon ... broutille. L'ensemble reste tout de même très attractif.
Fiana20
Le 07/04/2024 à 15:06:34
Un dessin que je qualifierais de stylisé-précis. Graphisme accrocheur. Couleurs aux palettes fouillées. Cases parfaitement adaptées aux différentes scènes. Scénario bien ficelé et haletant. Apreté de l'histoire violente qui est finalement une parabole miroir de la vie des sociétés humaines qui vivent, écrasent , survivent et disparaissent. La vengeance poussée à l'extrême est celle de l'individu qui n'a plus rien à espérer ni perdre. On n'oublie plus cette BD une fois qu'elle a été avalée. Bravo aux deux auteurs.
clemlal5
Le 05/04/2024 à 20:59:23
Déjà capté par la couverture en ligne, j’ai pu le feuilleter aujourd’hui en magasin. À peine avais-je tourné les pages que je savais que je reviendrais avec. Le dessin est somptueux, on ressent parfaitement le mouvement, on se croirait dans un film. La mise en couleur est parfaite conjuguant une palette de quelques couleurs seulement par séquence, cela ajoute certainement au graphisme. Le scénario est juste, passant d’un narrateur à l’autre, d’un point de vue à un autre. On lit le tout d’une traite. Bref, j’ai beaucoup aimé, cela faisait longtemps que je n’avais pas fait une belle découverte comme celle-ci.