Résumé: Détroit 2015. À bord d'une vieille Ford Galaxy, deux jeunes filles traversent une Amérique en déclin, du Nord au Sud. Fuyant Détroit, leur ville natale, elles roulent jusqu'à Rome, en Géorgie, pâle copie de la cité antique. Un road-trip aussi mystérieux qu'imprégné de sens. Pour Becki, il s'agit de remonter la route des esclaves, ses ancêtres. Pour Summer, de rendre hommage aux racines italiennes de sa mère, Gloria. Sur la route, Becki gratte dans ses carnets de dessins déjà noircis par leur histoire, leurs drames quotidiens et leur amitié chaotique. Au fil des croquis, des kilomètres avalés et des confidences, les deux amies délieront les secrets de famille qui ont noué leur destin, bien avant leur naissance.
Detroit Roma ne déçoit pas. Elene Usdin, avec Boni, signe un roman graphique ample où deux filles aux mêmes yeux gris, lestées par des mères compliquées, fuient Detroit — ville en déclin, minée par la corruption — pour une odyssée vers Rome (Georgia). Dans cette obscurité, on rêve en cinéma : la mère se recluse au grenier, à la manière de la diva de Sunset Boulevard ; l’une des filles ravive le souvenir maternel par un montage de ses films fétiches ; l’autre insère des scènes de films peintes dans son propre témoignage. Repères nets, Sunset Boulevard et 8½ ne sont pas des clins d’œil : ils balisent le récit et en donnent l’ossature.
Graphiquement, Usdin orchestre un amalgame de styles (bic, aquarelle, gouache) toujours au service du récit. Image-totem, la tigresse qui allaite deux enfants renverse la louve de Romulus et Remus et fait de Detroit Tigers / Motor City un mythe d’origine détourné. Une lecture dense, sensible et habitée.