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l’approche de la quarantaine, l’un des auteurs les plus prolifiques de la dernière décennie doute.
La lecture du dernier tome des Aventures de Lapinot et quelques échos rapportés de festivals l’avaient annoncé : Lewis Trondheim a ressenti le besoin de faire une pause, de prendre du recul. Non pas à cause d’un sentiment de saturation, la veine créatrice est toujours là. C’est plutôt lié à une angoisse sourde qui étreint l’auteur et l’homme à un moment charnière de sa vie (qui a parlé de prédisposition ?) : qu’est-ce qui peut entretenir l’envie de poursuivre une œuvre, aussi variée et souvent innovante soit-elle, alors que les spectres de la redite et du prévisible guettent ? Vaut-il mieux céder à la facilité et emprunter une voie qui peut mener à une certaine déchéance, artistique et humaine ? Ou, prudent et peureux à la fois, se retirer, fort d’une renommée indiscutable et d’un petit matelas de droits d’auteur ?
Avant de prendre une décision, il choisira une voie intermédiaire : celle du sevrage (sœuvrage ?) temporaire et de l’introspection collective (vive les néologismes !). Loin de l’atermoiement nombriliste, Désœuvré offre en effet l’occasion de recueillir le point de vue d'une trentaine d’auteurs sur ce sujet (directement ou indirectement lorsqu'il s'agit de témoignages). Certains sont des compagnons historiques de Trondheim, d’autres des figures emblématiques du 9e art. Et il est bien sûr possible d’entrevoir des passerelles entre ces deux catégories.
L’intérêt de cet essai dépasse cependant celui de la riche galerie de portraits et des anecdotes microcosmiques. Il fait toucher du doigt ces périodes de doute qui jalonnent la vie d’un homme. Même si, dans le cas présent, une large couche de vernis, parfois humoristique parfois cinglante, semble maintenir une distance nécessaire pour ne pas révéler les fêlures réelles causées par ces remises en question. Nous ne sommes pas tous des artistes (le soin apporté à ne pas vouloir cantonner le discours à cette seule catégorie d’individus est d’ailleurs éloquent). Mais on se surprend souvent à oublier le livre, à multiplier les digressions personnelles et à s’interroger, dans des termes similaires, sur son propre cas. N’est-ce pas le signe de la réussite évidente d’un ouvrage ? Désoeuvré touche. Et c'est loin d'être "approximativement".
Les avis
Hugui
Le 01/07/2007 à 14:24:05
La manière de Tondheim de raconter ses états d'âme est jubilatoire. Et c'est vrai qu'en plus il nous apprend pleins de choses sur ses confrères.
Ses dessins illustrent très bien ses propos et donnent une ambiance particulière, il y a indiscutablement une "patte" Trondheim.
chesterfield
Le 06/03/2005 à 13:30:49
Cet essai est indispensable à tout amateur de BD Franco-Belge. On y apprend une foule de detail sur les problemes des auteurs trés connus : Gotlib, Franquin, macherot, Tibet...... sans rentrer dans le voyeurisme.