À
trente-trois ans, publicitaire, marié et père d’une petite Marion, Alex Gaultier vit depuis plusieurs années avec la sclérose en plaques. À cause d’elle, il doit subir régulièrement des chimiothérapies et, lorsqu’une crise survient, recevoir des injections de cortisone qui l’épuisent et assombrissent son humeur. Un caractère que la vie parisienne n’arrange pas avec sa kyrielle d’incivilités répétées, le regard pesant des autres ou l’inadaptation de l’environnement urbain au handicap. Mais Alex refuse de quitter Paris où il est né et où habitent tous ses amis, malgré les arguments de sa femme, Chloé, qui est pourtant certaine de retrouver plus facilement un emploi en province. Finalement, après une énième prise de tête, Alex cède et la petite famille déménage à Nantes où chacun apprend à trouver ses nouveaux repères.
Cancer, sida, dépression, la maladie n’est pas un thème en reste dans la bande dessinée, cependant, il n'y a guère été question de la sclérose en plaques (SeP), affection neurologique auto-immune incurable, qui, après un album signé Mattt Konture (chez l'Association), constitue le sujet de Des fourmis dans les jambes. Par le truchement d’un personnage qui lui ressemble beaucoup, Arnaud Gautelier témoigne de ce mal qui l’accompagne depuis des années et sur lequel il a déjà publié un livre (J’te plaque ma sclérose aux éditions Philippe Rey).
Dès les premières pages, le lecteur est mis dans l’ambiance : celle d’un quotidien grisâtre, dans lequel la douleur n’a d’égale que l’épuisement et l’agacement, mais que l’humour et l’autodérision viennent atténuer et nuancer. En effet, si Alex est un sacré râleur - le Parigot par excellence, diraient certains -, ce trait de personnalité est amplifié par sa maladie, comme le montre suffisamment le récit. Cette manière d’évoquer les choses sans fard constitue d’ailleurs un des points forts de l’histoire, le scénariste ne cherchant en effet jamais à arranger la réalité à l’avantage de son héros. Bien au contraire. De plus, Arnaud Gautelier évite de verser dans la commisération et préfère évoquer la sclérose en plaques comme un adversaire omniprésent, une sorte de partenaire de vie dont il est impossible de se détacher et qui s’immisce dans le couple et dans la relation père/fille. Néanmoins, si le mal est bel et bien au cœur de l'album, l'espoir et la soif de vivre y sont tout aussi essentiels et centraux.
Pour illustrer ce combat journalier qu’il connait bien, l’auteur a confié le dessin à son ami Renaud Pennelle (Sagarmatha, Vénus noire). Le trait de ce dernier se démarque par son réalisme, un découpage clair et précis et, surtout, des cadrages qui rendent au mieux les différentes situations auxquelles Alex est confronté – déplacements en fauteuil, visites à l’hôpital, douleurs, etc. Les crises sont particulièrement bien transcrites visuellement, la sensation de fourmis dans les membres débordant des cases pour envahir certaines planches et s’imposer comme si elle grignotait tout.
Malgré une certaine froideur de traitement, voici un album qui a le mérite d'éclairer sur une maladie qu'on connait mal.
>>> Entretien avec Arnaud Gautelier et Renaud Pennelle
Les avis
Erik67
Le 22/11/2020 à 18:18:56
Les bd traitant de la maladie bénéficient toujours d’un effet compassion de ma part. Pourtant, je me dois de juger objectivement une œuvre sans tomber dans le piège facile de l’émotion. Cette œuvre nous fait découvrir une maladie que je ne connaissais pas bien à savoir la sclérose en plaques.
L’auteur prendra également le soin d’éviter tous les clichés du genre. J’ai bien aimé la différence de traitement que subit notre héros de sa vie parisienne à sa nouvelle vie à Nantes. Est-ce des clichés ? Je ne le pense pas car cela sent beaucoup trop le vécu. Les parisiens n’apprécieront sans doute pas.
L’approche qui a été suivie est celle du réalisme et de rester optimiste à la manière du succès de cinéma Intouchable. Pour autant, même si la lecture a été plaisante, je n’ai pas autant apprécié que d’autres œuvres que j’ai lues par rapport à la maladie et autres souffrances. Par exemple, La Parenthèse m’avait littéralement scotché. Je ne peux pas dire que celle-ci m’a fait le même effet. Bref, je reste objectif dans mon jugement.