Résumé: À la demande d’une galériste, Stéphane accepte de faire une exposition consacrée au Nu. Pour cela, il ne trouve pas mieux que de demander à des amies (dont certaines qu’il n’a pas vues depuis longtemps) de poser pour lui, dans le plus simple appareil. Une bonne opportunité pour discuter, pour mieux se connaître. Ainsi l’auteur découvre toute la fragilité de Laurence, «¿l’inaccessible¿», qui, en acceptant de se dénuder, se révèle tout autre que cette jeune fille sportive à la beauté froide. Et Céline, qui profite de l’absence de sa mère pour poser. Hélène, elle, se prête au jeu sans grande conviction, peut-être parce que son père est aussi un artiste… Ces rencontres sont l’occasion pour l’auteur de s’interroger sur le temps qui passe, sur les rapports de séduction et sur son rôle d’artiste. Comment représenter toutes ces femmes ? (Et surtout Élise, sa chère épouse.) Et puis… Et puis, il doit bien reconnaître que le vernissage s’annonce plutôt compliqué. Sans parler de cet étrange voisin du dessous, qui laisse couler sa baignoire, et qui reçoit Stéphane en silence, un masque à gaz sur le visage. Quant à son statut d’artiste, il prend de sérieux coups. Commentaires ou comparaisons douteuses sur ses dessins, jusqu’à l’incompréhension la plus totale. Que valent Egon Schiele ou Horst Janssen face aux «Eaux de Mortelune» ?
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uand Pauline propose à Stéphane, un jeune peintre, d'accueillir une exposition personnelle de nus dans sa galerie, celui-ci contacte alors amies et connaissances pour lui servir de modèles. Le quotidien de l’artiste est alors rythmé par les séances de poses qui s’enchaînent jusqu’au jour du vernissage. Du peintre ou du modèle, dans cet exercice, quel est celui qui se met véritablement à nu ?
Stéphane Levallois est un auteur de BD rare puisque son seul ouvrage édité jusqu’alors date de 2000 ( Noé aux Humanoïdes Associés). Artiste éclectique (story-boarder, designer, réalisateur, peintre…), le support de la BD s’est révélé être une évidence quand il choisit d’écrire Le dernier modèle . Là où Dave Cooper présentait dans Ripple (Editions du Seuil) un rapport exclusif de sado-masochisme empreint de violence et de laideur, Stéphane Levallois entreprend d’explorer les multiples facettes ainsi que les liens ambigus qui naissent entre un artiste et son inspiratrice.
Florence, au corps émacié, parait sûre d’elle mais se révèle être d’une fragilité de verre. Cécile rejette l’omniprésence étouffante de sa mère et tente de trouver dans sa mise à nue une échappatoire. Elise (future épouse du peintre) est présentée comme un personnage complexe à l’esprit labyrinthique... Muni d’un caméscope, Stéphane filme chacune de ses muses et tente de retranscrire sur sa toile l’image parfaite, l’instant idéal. Pendant que le dessin prend forme, il se livre à son tour et révèle lui aussi toute sa fragilité tandis qu'un fantôme (représenté par un curieux personnage affublé d’un masque à gaz) rôde inlassablement et jouera un rôle primordial. Le vernissage est un moment-clé de l’album. Tandis que la nudité des modèles est exposée aux yeux de tous, l’incompréhension voire le rejet de ces œuvres par quelques proches finit par dévoiler l’âme de l’artiste.
Le dessin en noir et blanc suscite divers sentiments chez le lecteur ce qui n'est pas la moindre de ses qualités. Les corps sont souvent malmenés, quelques fois maltraités. L’auteur joue habilement de l’élégance de son trait pour proposer un panel impressionnant d’expressions contradictoires : agressivité et fragilité, naïveté et rudesse…
Entre beauté graphique et contenu passionnant, Futuropolis inscrit à son catalogue une œuvre magistrale. On espère simplement que le silence de Stéphane Levallois dans le monde la BD sera cette fois de courte durée et qu’il reviendra rapidement pour un ouvrage du même acabit.