Résumé: Habitant d'une ville fantôme que l'on situerait volontiers au sud des Etats-Unis, Larry, la trentaine, survole la banalité du quotidien : entre son patron alcoolique, un père disparu, une chambre chez sa mère, il se laisse porter par ses rêves d'enfants, accroché à ses fantasmes de voyages stellaires et à la compagnie de Teddy, ours en peluche sentencieux.
Dans la même ville se trouve Alice, jeune femme solitaire qui sent que sa vie tourne en rond. Pour tuer l'ennui, Alice joue tous les jours de l'orgue dans une église… vide. Mais tout comme Larry, elle a ses rêves : fonder une famille, avoir un enfant. Tandis qu'un astre mystérieux se rapproche du système solaire, un soir passé dna sune laverie automatique à contempler tournoyer chaussettes et culottes réunit Alice et Larry : les premiers pas de leur histoire chamboulent la monotonie insouciante de Larry. Tourmenté par la peur de l'inconnu, il vit la nuit qu'ils passent ensemble comme une épopée cosmique, Aurélien Maury constituant un univers symbolique où trous noirs, vaisseaux et failles temporelles guident ce cosmonaute allégorique vers sa propre destinée.
À
trente ans, Larry ne devrait plus parler à son ours en peluche et ne devrait plus rêver de fusées l'emportant loin de la Terre. Mais lorsque sa vie est aussi vide que la ville fantomatique dans laquelle il habite, il n'a d'autres choix que de s'accrocher à ses rêveries d'enfant. Alice, elle, n'a pas vraiment d'objectifs, si ce n'est de ne pas reproduire les mêmes erreurs que sa sœur, enceinte et délaissée par son jules. Ancrée dans la réalité plate et sans intérêt, elle n'a pas d'ambition et compare sa vie aux linges dans la machine à laver, tournant sans harmonie et s'usant à chaque fois un peu plus. Quasiment seuls dans leur monde, Larry et Alice vont se rapprocher, exprimer des sentiments et briser la routine de leur quotidien. L'entrée dans une nouvelle vie ?
Avec une mise en page et un graphisme rappelant certains indépendants américains, notamment Chris Ware, Aurélien Maury propose un album original, tant par son traitement que par scénario. À l'aide de métaphores, l'auteur traduit les pensées et les sentiments de Larry, véritable anti-héros de l'histoire. Ce personnage semble assez incapable de travailler, de parler, d'être présent au moment où il faut. Il ne réussit à coucher avec Alice qu'en partant dans des délires extra-terrestres. Toutes ces scènes - actes de passage entre l'adolescent attardé qu'il est et l'homme qu'il doit devenir - toutes ces étapes sont traitées en symboles avec une qualité graphique impeccable et beaucoup d'humour. Le lecteur se laisse porter du début à la fin par les délires d'Aurélien Maury, pour une lecture fluide et attentive qui se satisfait d'un rythme qui n'est pas lié à la multiplication d'évènements ou de rebondissements.
Le dernier cosmonaute est à prendre comme une fable, ou plutôt une parabole du passage à l'âge adulte – un peu en retard – de Larry. Il n'y a pas vraiment autre chose à tirer de l'album que de la satisfaction. L'histoire ne se veut en aucun cas moralisatrice, laissant même en suspens des questions quant à l'avenir de ces deux tourtereaux. L'interrogation peut porter également sur le titre où la mention « dernier » ne s'explique pas.
Avec un graphisme attrayant et une mise en couleur ravissant de grandes cases épurées, Le dernier cosmonaute se révèle simple et efficace.