L
uc est un comédien qui a manqué une carrière au théâtre et sévit dans les supermarchés à vanter de sa belle voix les produits les plus anodins. Cynique, désabusé, il entretient des relations houleuses avec ses semblables, en conflit permanent avec son père, ou encore incapable d’établir une relation stable avec une femme. A la dérive, il ne pourra envisager des jours sereins que lorsqu’il aura fait la paix avec lui-même.
Michel-Yves Schmitt a travaillé plusieurs années comme graphiste avant de répondre à une annonce sur internet. La revue Patate Douce cherchait un dessinateur pour un projet intimiste. Une collaboration se met alors en place. Par la suite La Boîte à bulles a répondu à son désir de voir cette histoire publiée en album en éditant cette succession de tranches de vie. Cette publication a vu son récit enrichi d’épisodes supplémentaires et d’une mise en couleurs.
Dérives est le récit d’un homme perdu dans sa vie, rongé par des erreurs du passé. Schmitt a choisi de découper son album en chapitres, comme autant d’évènements qui expliquent cette errance quotidienne. Luc est dans un processus d’autodestruction, odieux et cynique avec les autres comme pour se protéger de la douleur tapie au fond de lui. Un père trop paternaliste et autoritaire l’a conduit à fuir durant son adolescence, à la manière d’un rebelle. Cette fuite, il la regrette tous les jours, car durant son absence aux Etats-Unis sa mère est décédée.
Profond et intimiste, c’est ainsi que l’on peut résumer cet album contemporain. L’auteur a su éviter l’écueil d’un récit larmoyant avec justesse, présentant les obstacles rencontrés par ce jeune homme comme des difficultés de la vie qui permettent d’avancer une fois surmontées. La principale qualité de son dessin se trouve dans sa manière de croquer les personnages, avec justesse et finesse. On lui pardonnera ces bras un peu élastiques du début pour retenir un trait simple et une mise en couleur très efficace. Un auteur à suivre.
Les avis
Erik67
Le 31/08/2020 à 22:48:19
Quand j’ai commencé cette lecture, je me suis dis que le protagoniste principal était un sale con comme on en fait pas deux de la sorte. On ne peut pas être plus clair. Bref, il représente tout ce que je déteste éperdument dans le genre fils de riches qui veut s’accomplir sans l’aide du paternel et qui échoue lamentablement tout en étant imbu de sa personne. Je résume un peu à l’extrême mais vous aurez compris où je veux en venir.
J’aime par exemple trop les femmes pour les larguer illico presto en étant désagréable. Notre « héros » manque singulièrement de chaleur humaine envers les autres. Moi aussi, je n’aime pas les réceptions remplies de monde assoiffé sur les buffets mais bon, j’essaye quand même de faire un minimum. Je ne souhaite pas tout renvoyer sur moi mais disons que grosso modo, il agît à l’inverse de ce que j’aurais fais dans une situation similaire. Dès lors, on ne peut pas éprouver de la sympathie pour un tel personnage.
Pourtant… et pourtant !!! Quand on commence à comprendre le mécanisme qui le régit, on se rend compte qu’il y a effectivement une cause à effet. Sa relation avec son père est la source de tous ses problèmes. Ce dernier est très protecteur et semble un peu étouffer son entourage en prônant sa vision unilatérale des choses. Dans ce conflit quelquefois larvé, je suis parvenu à entendre les arguments des uns et des autres sans prendre une position. On ressort d’une telle lecture un peu lessivé car il y a des passages difficiles émotionnellement parlant.
C’est plutôt bien réalisé avec un dessin correct. C’est une lecture intéressante sur les rapports humains traité avec beaucoup de finesse et d’intelligence. C’est dans le genre de ce que j’aime bien lire actuellement. De vraies histoires avec des personnages qui ne me ressemblent pas forcément…