Résumé: Au bout du chemin, la rédemption ?Dans un monde post-apocalyptique où tout n'est que désespoir et désolation, deux frères ont entrepris de traverser les terres meurtries pour mettre fin à leurs tourments. Car dans ce monde où la souffrance est omniprésente, les hommes, bien que condamnés ne peuvent mourir. Ils errent jusqu'à sombrer dans la folie et perdre leur humanité. Ceux-là deviennent des « oubliés », des créatures terrifiantes... Ikar et Graham n'ont pas encore atteint ce stade critique. Ils savent qu'au-delà du désert, il existe une oasis où l'herbe pousse encore et que là-bas la mort est douce et accessible. Quand ils s'approchent enfin de cette oasis, ils découvrent stupéfaits, qu'elle prend la forme d'un enfant providentiel ! Cette petite fille perdue possède à elle seule le pouvoir de régénérer la nature et d'apaiser tous les tourments. Elle incarne l'espoir après l'effondrement, mais un espoir fragile. Pour lui donner une chance de déployer ce don salvateur, Ikar et Graham vont l'aider à avancer coûte que coûte au milieu de l'enfer. Mais leur esprit se trouble par moments et le danger peut venir de partout. Ikar, rongé par le mal, fait des crises de plus en plus violentes, tandis que « Les fils de Sad », une tribu cannibale, s'est lancée à leurs trousses dans le but de capturer l'enfant... L'Humanité pourra-t-elle vraiment renaître du chaos ?
Premier album d'un auteur prometteur, Délivrance est une pépite graphique à mi-chemin entre l'univers poétique de Frederik Peeters et la noirceur du seinen japonais qui nous tient en haleine et nous transporte dans un monde horrifique plus vrai que nature. Une lecture intense et viscérale.
C
'est un monde désolé où plus aucun espoir ne subsiste. Quelques survivants errent sans fin dans un paysage tourmenté. La mort elle-même a déserté ce lieu. Les quelques âmes qui arpentent les paysages âpres sont condamnées à une souffrance éternelle, perdant tout souvenir et toute humanité, jusqu'à sombrer dans un état de folie bestiale et devenir des "oubliés". Pourtant, des rumeurs rapportent l'existence d'une oasis, dernier endroit habitable. Ikar et Graham tentent de le rejoindre, faisant face à la violence omniprésente. Ils découvrent alors une petite fille aux pouvoirs surnaturels. Là où elle se trouve, la nature reprend ses droits. Le sol stérile se couvre de plantes. Les humains peuvent de nouveau mourir. Ils décident de la protéger, coûte que coûte, alors que la tribu des « fils de Sad » a juré de s'emparer à tout prix de l'enfant.
Ce premier album frappe par son ambition, proposant un récit d'une très grande noirceur ancrée dans un univers foncièrement original. Le but assumé est de happer le lecteur dans une ambiance horrifique. Mais le parti-pris de Kim Gérard de ne rien expliquer rend vite l'ensemble hermétique. Ce cauchemar post-apocalyptique prend trop de raccourcis pour convaincre complètement. La perte progressive d'humanité jusqu'à devenir une monstruosité abjecte couplée à l'impossibilité littérale de succomber sauf à proximité de la gamine représentent autant d'éléments qui tiennent plus du deus ex machina qu'autre chose. Le récit se veut immersif, mais la manière dont il impose certains aspects de son intrigue le rend artificiel et le prive d'une grande partie de son impact. Si Kim Gérard est clairement influencé par le travail de Frederik Peeters (la référence visuelle à Aâma est évidente), les scènes d'action perdent vite en lisibilité. L'utilisation excessive de lignes dynamiques, technique empruntée au seinen, brouille le trait, jusqu'à la rendre parfois difficilement déchiffrable. L'idée était sans doute de marquer une rupture nette et d'accentuer les explosions de violence. L'effet tombe malheureusement souvent à l'eau.
Reste que, pour un coup d'essai, le jeune auteur impose une vision originale, même si encore inaboutie. Délivrance est, certes, imparfait, il porte indéniablement les promesses de belles choses à venir.