Info édition : Noté "N001" au 4e plat. Dessin de l'épilogue : Gomont, Pierre-Henry.
Résumé: Octobre 1936. À l’occasion du décès de son père, dont elle vient d’accompagner la fin, une femme évoque de douloureux souvenirs, vieux de plus de vingt ans. Une affaire terrible et secrète, un fardeau dont elle peut enfin s’alléger, puisque tous ses protagonistes ont disparu. Janvier 1914. À Guise, dans l’Aisne, la police retrouve le corps d’un ouvrier fondeur assassiné. Puis, quinze jours plus tard, celui d’une veuve, dont tout indique qu’elle a été victime du même assassin. L’enquête d’un journaliste de L’Humanité spécialisé dans les faits divers va être l’occasion de découvrir le contexte fascinant de ces morts violentes : le « familistère », communauté ouvrière fondée par un patron « social » et visionnaire – une expérience de socialisme réel qui aurait anticipé de plusieurs décennies l’émergence du collectivisme soviétique…
H
iver 1914. Environ 1500 personnes vivent au Familistère de Guise, une utopie socialiste réalisée au siècle précédent par un industriel disciple de Fourrier. Une véritable cité, autogérée par ses habitants, la plupart ouvriers et cadres d'une usine dont ils sont aussi les propriétaires. Une communauté extrêmement soudée - refermée sur elle-même également -, qu'une série de meurtres va soudain ébranler. La jeune Ada est la fille de Rudolf Volsheim, dit "Bismarck" : à l'heure des tensions de plus en plus préoccupantes entre la France et l'Allemagne, son origine alsacienne fait naître des rumeurs et éveille des soupçons... Aussi Ada décide-t-elle de s'associer avec Victor Leblanc, un journaliste de l'Humanité, pour découvrir qui se cache vraiment derrière cette succession de morts.
Pour leur deuxième collaboration, Régis Hautière et David François appliquent une recette somme toute classique, mais bien réalisée. Le scénario nous fait pénétrer et découvrir ce monde à part que constitue le Familistère, en évitant le double piège de la pure reconstitution historique et de l'intrigue policière artificiellement plaquée devant un décor "exotique". Si les auteurs ne cherchent pas à masquer une certaine volonté documentaire dans leur présentation de l'expérience hors-norme du Familistère, ce dernier fournit également au récit son ambiance particulière et, in fine, les clés pour comprendre l'histoire, nouée par un drame lié à l'organisation même du lieu. Le dessin de David François suit un peu la même logique, juxtaposant une représentation très précise des bâtiments et un rendu plus libre pour les personnages ainsi que pour l'atmosphère populaire et pesante à la fois (à laquelle concourt également un usage massif des gris dans les couleurs).
De briques et de sang n'est pas sans défaut. À vouloir coller à la structure classique du whodunit, de façon assumée (ainsi qu'en témoigne le "Comme toutes les histoires de ce genre..." qui ouvre le récit, et se retrouve en 4e de couverture), Hautière va parfois jusqu'à la caricature, malheureusement sans doute involontaire, pour certains des traits constitutifs du genre. Ceux que rebutent, par exemple, les trop longues explications finales, pourront pâlir à la vue de la double page entièrement manuscrite dans laquelle Ada adulte donne à sa correspondante le fin mot de l'intrigue, dans une présentation qui n'est pas à proprement parler un modèle de légèreté.
Cependant, le contraste entre ce classicisme de l'intrigue policière et l'originalité du cadre, et surtout l'efficacité avec laquelle est mené l'ensemble, emportent l'adhésion. La curiosité née de la présentation du Familistère et le caractère très prenant de l'enquête se conjuguent pour faire de cet album une bonne surprise.
À lire également : la chronique de
L'étrange affaire des corps sans vie, par J. Briot.
Les avis
Erik67
Le 24/11/2020 à 13:51:52
L'originalité de cette série est le cadre qui se situe dans un familistère, une sorte d'expérience sociale empreinte d'un esprit humaniste par un visionnaire bourgeois de la révolution industrielle à savoir Jean-Baptiste Godin. Cette institution d'un nouveau genre a d'ailleurs perduré jusqu'au XXème siècle. Les habitants sont propriétaires à titre collectif du familistère ainsi que de l’usine.
Le récit se situe peu avant l'entrée de la France dans la Première Guerre Mondiale. A ce moment là, tous les regards sont plutôt focalisés sur les choses politiques. C'est dans ce contexte assez particulier que se produisent plusieurs meurtres dans le familistère. L'ambiance semble pesante à l'intérieur. Les contacts avec l'extérieur sont assez peu appréciés également.
C'est fort bien construit même si cela demeure assez classique dans le principe. Il faut découvrir qui est l'assassin ainsi que le mobile de ces crimes qu'on devinera aisément. L'intrigue arrive tout de même à nous tenir en haleine jusqu'à la dernière image de ce polar.
Je n'ai pas trop aimé le dessin ainsi que les visages assez anguleux et caricaturaux avec un effet de colorisation délavée. Par ailleurs, je n'ai pas accroché avec les deux personnages principaux qui s'associent au milieu du récit pour enquêter ensemble. J'ai conscience que ces remarques sont purement subjectives.
Malgré tout, de briques et de sang demeure une belle enquête judiciaire dans un milieu jusque là peu exploité. On va découvrir ce qu'est un familistère de l'intérieur et plus encore si l'expérience permet de se prémunir de la haine dans le coeur des hommes. Je crois qu'on connaît la réponse...
macluvboat
Le 01/05/2011 à 21:09:04
Quelle trés bonne enquête policière et quelle fin !!
Les dessins semblent retracer une ambiance trés londonnienne façon Sherlock Holmes et le scénario, en pleine période d'avant la Grande Guerre est sublimement réalisé.
Un must pour moi...
Oliviercomyn
Le 27/11/2010 à 21:23:16
Deuxième albums de François et regis hautiere ,deuxième coup de coeur pour cette histoire de brique et de sang qui nous emmene sur le chemin d' une enquête policière.
Sous fond de mobilisation général ,cette histoire ne manquera pas de vous accrocher du début a la fin!
Avec en prime une découverte du patrimoine Picard.