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ékin, le 17 octobre 1967. David Crook est arrêté par les Gardes rouges. Un long interrogatoire commence. Placé en isolement total pendant cinq ans, il va être inlassablement questionné par des geôliers obtus. Malgré la pression et des conditions d’incarcération difficiles, jamais il ne « craquera » ni n’avouera des fautes qu’il n’a pas commises.
Certains mènent des vies tranquilles en marge des évènements de leur temps. D’autres, par choix ou par hasard, se retrouvent au centre de l’Histoire elle-même. Seul dans sa cellule, David se remémore son passé. Pour tenir, il se repasse petites et grandes scènes de son parcours : sa jeunesse à Londres, son installation aux États-Unis, les origines de son intérêt pour les causes sociales, son retour sur le vieux continent après la crise de 1929, son engagement au sein des brigades internationales afin de combattre le fascisme, sa courte carrière d’espion au service du Komintern qui le mènera à Shanghai et son coup de foudre pour l’Empire du Milieu. De retour en Angleterre, il se porte volontaire en intègre la RAF durant le Blitz. La guerre finie, il prend le temps de finir ses études aux USA avant d’émigrer définitivement en Chine. Il s’installe dans l’ouest de la toute nouvelle République populaire et publie un livre sur les réformes agraires récemment instaurées. Ce faisant, il devient un des rares Occidentaux témoins des mesures radicales de Mao Zedong.
Libéré en 1973 sans qu'aucune charge ne lui soit jamais imputée, il reçoit un pardon officiel de la part de Zhou Enlai. Pas rancunier pour autant, il reprend son poste de professeur d’université à Pékin et enseigne les subtilités de la langue anglaise aux futurs dirigeants du pays. En 1989, il vient en aide aux étudiants de la place Tiananmen et publie une tribune très critique envers le Parti Communiste. Après une existence bien remplie, il s’éteint à quatre-vingt-dix ans en 2000.
Biographie à la chronologie délibérément chaotique, David Crook souvenirs d’une révolution met en avant un homme à la destinée incroyable. Julian Voloj et Henrik Rehr ont su trouver les mots et les images – un très beau N&B qui rappelle par moments Howard Cruse – pour accompagner les pas de cet idéaliste qui a su aller jusqu’au bout de ses convictions. La lecture demande néanmoins pas mal d’attention. Du fait des privations, les pensées du héros s’avèrent fragiles et embrouillées. Les époques s’emmêlent, les protagonistes vont et viennent sans prévenir et les transitions sont brusques.
Mini-revue du XXe siècle, David Crook souvenirs d’une révolution est un ouvrage rempli de rêves et de fracas, réalisé avec soin et une véritable révérence pour cet individu remarquable.