Résumé: À la mort de son père, qu’il n’avait pas vu depuis 10 ans, Sean Wu apprend qu’il appartient à la famille des Daomu, des pilleurs de tombes depuis 21 générations. Son oncle le convainc alors d’endosser son héritage et de rejoindre les Daomu. L’initiation de Sean commence par une expédition sous terre, à la recherche d’une des tombes les plus anciennes du pays, d’où son père avait rapporté un étrange cercueil... Dans les profondeurs de la terre, il lui faudra survivre aux horreurs qui hantent des trésors millénaires, et affronter la vérité sur la mort de son père.
D
ix ans. Dix ans que Xie « Sean » Wu n'avait pas revu son père. Aussi, lorsque celui-ci débarque à Détroit, vieilli, fatigué, pour le voir et lui parler, même s'il a souvent imaginé ces retrouvailles, le jeune homme ne trouve rien à dire. De toute façon, il n'en aura pas le temps : un homme avec capuche et masque se poste dans la rue en face du petit bar où ils sont installés, il sort son arme tranquillement et tire, touchant son père. Même pas le temps de reprendre ses esprits qu'une femme, venue visiblement avec son interlocuteur, les jette dans une voiture qui démarre évitant que leur agresseur ne les rattrape. Avant de mourir, son père lui remet une clé et lui demande une faveur : retourner en Chine pour l'y enterrer et brûler un cercueil qu'il gardait dans sa cave. Deux mois plus tard, le jeune homme découvre la maison de son paternel. En descendant à la cave, il trouve le cercueil, mais il rencontre aussi une vieille connaissance : Tsai, son oncle. Ce qu'il va lui apprendre sur l'histoire de leur famille risque de changer sa vie à tout jamais.
Véritable carton en Chine, le roman de Xu « Kennedy » Lei, The Daomu journal, s'est vendu à plus de douze millions d'exemplaires. Adaptée en 2015 en bande dessinée pour le marché américain, la série, découpée en deux tomes, déboule en France grâce aux Humanoïdes Associés. Grand format, grosse pagination (117 planches), ce premier album est pour le moins copieux. Avec sa couverture digne des pires films d'horreur, il serait facile de penser à un récit macabre et gore de plus, pourtant il n'en est rien. L'auteur, aidé par Colin Johnson pour l'adaptation, propose une narration fluide sur le thème de l'initiation du jeune héros. Aidé par son oncle et son équipe, celui-ci va apprendre le secret qui lie les hommes de sa famille, découvrir des concurrents tout comme les dangers qui les guettent.
Si la trame générale est classique, l'originalité réside ailleurs. Le traitement tout d'abord. Le rythme est maîtrisé : après une introduction nerveuse, l'aventure tourne au huis-clos stressant au cours duquel le scénariste distille les informations au compte-goutte ; la tension croît au fur et à mesure que le personnage principal trouve des réponses à ses questions, prenant lentement (peut-être un peu trop) conscience de la tâche qui l'attend. Le cadre ensuite : en ancrant son intrigue dans le folklore (au sens noble du terme) des pilleurs de tombes, les auteurs posent un contexte mystérieux, entre croyances et légendes. Cette pratique est répandue en Chine - même si elle est durement sanctionnée - mais peu en connaissent tous les ressorts. Enfin visuellement : Ken Chou, graphiste de formation, manie l'encre et la palette graphique avec autant d'aisance. Sa colorisation s'en ressent, lui permettant de souligner son travail d'encrage tout en ajoutant à loisir des effets de textures. D'ailleurs, plusieurs planches tirent allègrement du côté de l'animation, rappelant certaines cinématiques des jeux vidéos ultra-réalistes. Son découpage et sa mise en page - notamment le fond noir des pages - donnent une impression d'oppression tout à fait appropriée au ton. Très cinématographique, les cadrages plongent le lecteur au cœur de l'action, en même temps qu'il découvre cet environnement loin d'être accueillant dans les pas de Sean. S'il adhère au traitement informatisé - qui peut sembler surchargé (notamment les effets de flous) - nul doute qu'il sera pris par ces ambiances où ce que l'on devine dans l'ombre angoisse bien plus que les insectes ou les entités étranges exposées.
Bien plus construit et fouillé que la couverture ne le laisse présager, ce premier tome constitue une entrée en matière convaincante. Une choix graphique marqué et assumé - qui pourra rebuter autant que plaire - couplé à un univers étrange et énigmatique font de cet album une première partie d'un thriller horrifique dont l'ambiance oppressante tient tout autant à ce qui est suggéré qu'à ce que les auteurs dévoilent.