I
nlassablement Gino, à sa table de travail, cherche l’inspiration. Et comme d’habitude il se livre à ce petit jeu qui consiste à faire l’aller-retour entre sa réalité et celle des villages, où il se transforme en son double Dzino. Rien de plus facile pour lui de se laisser emporter par son imagination, le tout c’est de ne pas aller trop loin. Mais là aussi il connaît la méthode : penser à quelque chose de bien terre à terre et hop le revoilà chez lui. Seulement le « graphiste de terrain » a d’autres préoccupations : il vient de voler le dossier du Docteur Wom qui décrit comment, à l’aide d’une guimbarde géante, celui-ci compte modifier la structure de l’univers des villages. Et cela, Gino/Dzino doit l’éviter à tout prix.
Une fois de plus Max Cabanes nous mène au gré de ses errements dans l’univers tarabiscoté des Villages. Depuis le retour aux manettes de sa série fétiche, on était en droit de se demander vers quels rivages il comptait embarquer ses lecteurs. La réponse est catégorique : avec Une_fuite deux_horizons, l’auteur a définitivement combiné l’imaginaire et le réel. Et ce n’est pas peu dire : navette incessante entre son univers graphique et la dure réalité de l’existence, dédoublement flagrant de la personnalité ou encore questionnement perpétuel sur le devenir de l’artiste.
Ce qui est réjouissant avec Cabanes, c’est d’être totalement impliqué dans l’histoire. En effet, impossible de lire cette série avec détachement, l’auteur se délectant à interpeller le lecteur, voire même à attendre une réponse de sa part. Ensuite à chacun de choisir son niveau de lecture et de réagir en conséquence. Mais personnellement ce que je préfère dans l’univers des Villages, c’est la truculence de ses dialogues : « c’est barjolatoire », « ça insécure les synapses » (les Jôles) ou bien « je vais te crouncher » (les Merdouzilss). Plus encore la richesse des personnages créés par Cabanes est surprenante. Il a atteint un tel niveau de griserie dans la création de son univers que, on peut le regretter, l’intrigue a tendance à passer au second plan. Mais enfin la poésie est omniprésente et c’est l’essentiel, et tant que durera cet état de fait, il n'aura aucun mal à nous transporter.
Plus aucun doute, l’esprit délirant de Max Cabanes est un labyrinthe et un feu brûle au cœur de ce château.