E
st-ce l’approche de l’hiver qui fait que les grandes étendues froides et blanches ont le vent en poupe ? Après La marche de Régis Penet en août, voici que Casterman s’enfonce à son tour dans la froidure de la Sainte Russie avec La fin du monde en trinquant et Dans les forêts de Sibérie.
Inspiré de la retraite de Sylvain Tesson sur les berges du lac Baïkal en 2010, ce roman graphique décline, après un reportage et un film, l’échappée sibérienne de l’écrivain voyageur.
Pour qui ne goûte pas au plaisir des voyages immobiles ou qui est réfractaire aux crises érémitiques, cet album n’est pas forcément un ouvrage des plus conseillés. D’aucuns voudront considérer la démarche de l'aventurier comme une volonté de revenir à l’essentiel, d’introspecter sa force intérieure, de redécouvrir la maîtrise du temps et de l’espace… au fil des secondes qui s’écoulent, seul, ou des pas qu’il faut faire, par -30°C, pour ne plus l’être. En cela, ils seront probablement en phase avec la finalité première de cette retraite sciemment préparée. Quoiqu’il en soit, la dimension humaine comme la grandeur des paysages peinent à transparaître à travers un récit qui égrène six mois d’isolement réglés avec la régularité d’un métronome. Les planches de Virgile Dureuil défilent comme les jours, mais si la neige, les promenades, les corvées de bois ou d’eau, la vodka ou quelques rares visites suffisent peut-être à remplir l’espace vacant de la page blanche, ils n’arrivent cependant pas à lui conférer une véritable dimension existentielle.
Une fois lu, Dans les forêts de Sibérie tient plus du carnet de voyage que du périple initiatique, effleurant seulement l’essentiel… mais après tout l’essentiel n’est-il pas de ne penser à rien si ce n’est de s’abriter de la morsure du froid et de profiter de la chaleur de la vodka ?