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i>Dans la prison, paru chez Ego comme x, racontait l'expérience d'un mangaka condamné à trois ans de prison pour détention d'armes à feu. Dans ce reportage autobiographique, Kazuichi Hanawa commentait sa vie carcérale avec une foison ahurissante de détails, selon une démarche plus proche du naturaliste rendant compte de ce qu'il découvre sur une terre inconnue, que celle du raconteur d'histoires soucieux de divertir son public. Malgré cette austérité, ou peut-être à cause d'elle, le public japonais et la critique ont réservé un bon accueil à cet ouvrage.
Dans quelles circonstances Hanawa, collaborateur de la mythique revue Garo pendant les années 1970 et 1980, était-il arrivé en prison ? C'est pour répondre à cette question que son éditeur lui demanda de produire un nouveau récit. Ce que le mangaka commença par refuser, estimant que son humiliation et le scandale avaient été bien assez importants. Malin, l'éditeur lui proposa alors de romancer son récit, de décaler les points de vue. Protégé par l'alibi de la fiction, Hanawa pouvait commencer à se livrer, tout en prenant soin de brouiller les pistes en même temps.
Avant la prison est constitué de deux histoires menées de front et n'ayant aucun lien apparent entre elles, qui s'imbriquent sans jamais converger. En premier lieu, c'est un récit à la première personne où le mangaka évoque sa fascination pour les armes à feu : ayant trouvé un vieux Colt tout rouillé, il s'acharne à le restaurer avec patience, précaution, beaucoup de transpiration et pas mal de travaux de soudure. Ces souvenirs sont régulièrement interrompus de façon brusque par une fiction : dans le Japon féodal bouleversé par l'arrivée des armes à feu européennes, la fille d'un des premiers armuriers chargé de fabriquer les premiers fusils made in Japan côtoie une demoiselle de bonne famille, suspectée d'être possédée par l'esprit malin d'un renard.
Canon de beauté...
A la passion jubilatoire de l'auteur, quand il raconte avec mille détails la restauration de l'arme, s'oppose la fiction où tout n'est que honte, pratiques expiatoires et références omniprésentes à la religion. Comme si cette fiction pleine de repentirs devait compenser le bonheur coupable ressenti par le mangaka à l'évocation du revolver qui l'a fait condamner. La passion reste la plus forte. A plusieurs reprises, Hanawa se lance dans des arguments révélant l'ampleur de son obnubilation fanatique. Sans se soucier du ridicule, il n'hésite pas, par exemple, à assimiler les courbes élégantes d'un colt renversé au mont Fuji, dont il prétend retrouver les angles et l'harmonie… D'autres commentaires quant au "karma" supposé d'une arme amuseront ou consterneront, de même que certaines théories fumeuses jusqu'au comique sur l'occultisme supposé d'Adolf Hitler, dont l'alchimie intérieure lui sortait par l'oreille droite ("incroyable mais vrai", précise l'auteur).
Nul besoin d'approuver les propos de Hanawa, ni de ressentir la moindre attirance pour les armes à feu, pour goûter à ce récit. La virtuosité indéniable des dessins, la narration originale et l'enthousiasme communicatif de l'auteur réussissent à rendre passionnants les passages concernant la restauration de l'arme, racontée comme s'il s'agissait de la reconstitution d'un objet antique et précieux par un archéologue. Il y a cependant un parfum d'inachevé dans ce livre, qui se termine en queue de poisson. Aucun des deux récits ne trouve réellement de chute, peut-être parce que l'essentiel avait déjà été dit précédemment, comme par exemple dans cette confession légèrement contestataire (ce qui est inhabituel chez cet auteur) : « Dans les années 1950, les revues mensuelles de manga étaient pleines de publicité pour des reproductions [d'armes] à air comprimé. Ce n'était pas comme aujourd'hui des trucs tirant des balles en plastique, là ça tirait de vraies balles de plomb. A l'époque, n'importe qui pouvait en acheter. Maintenant c'est passible de prison. »
Par Marion N
Les notes d’un hymne aux armes à feu s’égrènent au fil du récit autobiographique de la restauration d’un vieux colt rouillé et l’histoire, dans le Japon médiéval, d’une fillette balançant entre son amour filial et son amitié pour une jeune femme présumée possédée.
Difficile de réprimer bâillement et scepticisme, voire agacement, en lisant ce Avant la prison. La première page explique comment l’auteur a été contacté par son éditeur pour donner une préquelle à Dans la prison, témoignage de l’expérience carcérale de Kazuichi Hanawa. Pourquoi pas ? C’est l’occasion de connaître les raisons qui ont conduit le mangaka derrière les barreaux et ont suscité un certain scandale au Japon. Mais Hanawa affirme d’emblée que, lui, avait en tête une aventure médiévale.
Le manga alterne ainsi entre des séquences mettant en scène la jeune Natsume (héroïne de Tensui) dans le passé et d’autres décrivant avec une minutie extrême le travail de rénovation du « government » trouvé par l’auteur. S’y ajoutent des passages sensés montrer sa fascination pour les armes à feu dès son enfance et quelques uns rappelant son quotidien dans la prison où il a passé trois ans. Cela pourrait être intéressant s’il n’y avait la fadeur de la narration, l’inaboutissement du propos et la difficulté à saisir les parallèles entre les quatre récits. On se surprend même à tourner les pages pour suivre l’histoire de Natsume au détriment du reste. Et encore, même là, le lecteur ne trouve guère matière à se consoler.
Reste, au-delà de l’ébauche d’une construction ambitieuse qui tourne court, un dessin soigné et réaliste, quoique peu ragoûtant, dont la froideur s'allie à la précision et à la méticulosité. Les planches d’un ouvrage consacré aux armes ne sauraient être plus explicites que la dissection de son pistolet par Kazuichi Hanawa. Les passionnés de colts et autres revolvers y trouveront leur bonheur.
Laissant une impression d’inachevé et d'incompréhension, Avant la prison révèle combien l'auteur, aveuglé par sa passion, semble oublier que la possession d'armes est passible de prison dans son pays. On comprend alors qu'il soit incapable d'expliquer pourquoi il y a passé trois ans...