Résumé: Dans le cadre d'une bourse soutenu par le Ministère de la Culture et de l'Éducation Nationale, Alice Chemama se retrouve implantée en Haute-Savoie pour mener à bien un projet artistique avec une classe de CM2 autour du patrimoine local.
Nul air pur ni sommet rutilant, la ville de Marnaz est située dans les tréfonds de la vallée de l'Arve, réputée pour son taux de particules fines et son leadership dans l'industrie du décolletage. Idyllique.
Bien décidée à en découdre avec l'histoire et la culture du coin, et malgré l'intervention d'un invité surprise (ce bloody coronavirus), elle entreprend d'aller à la rencontre de faits et légendes enfouis dans la mémoire des Alpes : quels mythes trouve-t-on derrière les images bucoliques de montagne et suggestions touristiques qui sortent en premier sur internet ? Et quelle réalité trouve-t-on dans l'ombre de la star locale, le mont Blanc ?
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n présentant sa candidature aux Ateliers Médicis, un organisme qui propose notamment des activités artistiques aux écoles françaises, Alice Chemama rêvait des Antilles, ce sera plutôt le froid et l’air pollué de la vallée de l’Arve en Haute-Savoie. Pour préparer ses animations, elle effectue des recherches sur la région. Sa première rencontre avec les gamins l’enchante. Il n’y aura malheureusement pas de suite puisque la COVID met un terme à l’expérience ; son affection pour ce coin de pays demeure toutefois intacte.
Le livre est un hybride. D’abord un journal où elle se raconte. Entre ses récits personnels, elle expose ses découvertes sur l’histoire et le folklore local. Ces parties se révèlent d’ailleurs les plus intéressantes. L’album se conclut par sa traversée de la vallée Blanche, un épisode semblant amalgamer ses deux préoccupations puisqu’elle parle d’elle, tout en réalisant un exploit sportif digne de ces lieux qu’elle a adoptés. Cette séquence est vraiment longue.
La lecture (rapide malgré ses cent vingt-cinq pages) n’est pas désagréable, d’autant plus que l’autrice distille des touches d’un humour rappelant celui de Marion Montaigne. Le bédéphile se demande tout de même ce qu’il doit en retenir. L’adversité pourrait être le fil conducteur de ce projet, celle de la bédéiste face à la montagne, celle des aventuriers défiant les Alpes, sans oublier la pandémie qui a accompagné la réalisation de cette bande dessinée.
L’artiste emploie deux styles de dessin passablement différents. Un premier, très relâché et presque minimaliste lorsqu’elle se met en scène. Son trait a plus de profondeur lorsqu’elle évoque des anecdotes historiques ou des légendes savoyardes. Le coup de pinceau se rapproche alors de celui des Zola, son entreprise précédente. Aussi, les paysages, réalisés à l’aquarelle et mis en valeur par de grandes cases, sont souvent magnifiques.
Au final, Dans l’ombre du Mont Blanc s’avère déséquilibré ; les portions autobiographiques occupent beaucoup de place, alors que les mythes et les faits divers, généralement fascinants, sont parfois rapidement expédiés ; par exemple le mystère entourant le Kangchenjunga, un avion prétendument abattu par l’OTAN en 1966, avec à son bord le père du programme nucléaire indien.