Info édition : Noté "Première édition" - Album 2021 reporté suite à la pénurie de papier - Parution 14.01.2022
Résumé: Infirmière à la maison de retraite « Les Coquelicots », Estelle jongle entre
les soins, les parties de cartes et les morts solitaires. Mais comment faire face aux derniers sommeils et aux rêves inachevés ? En tissant des liens forts et intimes avec ses résidents, la jeune femme pourrait perdre pied
et prendre goût à une liberté dangereuse…
U
n gant humide glisse le long de la peau parcheminée d’un corps immobile. Un coup de peigne à la chevelure de neige, l’enfilage des bijoux et des vêtements préférés ; la défunte est prête. Estelle a encore une lourde tâche à accomplir : prévenir la famille. Même avec dix ans d’expérience, ce n’est pas aisé. Puis, il lui faut retourner auprès des autres résidents. Il y a Germano dont les proches s’éloignent de plus en plus ; Sophie qui ne cesse de l’appeler Eva ; le malheureux de la chambre 212 qui hurle chaque nuit ; et aussi la nouvelle arrivée qui se présente comme ancienne ambassadrice française à Prague au grand dam de sa fille. Prise au milieu de ces êtres au seuil de leur existence, l’infirmière tangue sur le fil de sa propre solitude.
Après avoir évoqué les violences sexuelles faites à des femmes dans Touchées, Quentin Zuttion (Chromatopsie, Drosophilia) s’inspire de sa courte expérience en maison de repos pour livrer un album qui ne laisse pas indifférent. Au contraire, tant l’héroïne en blouse immaculée que les personnages qui l’entourent et dont elle s’occupe viennent heurter la conscience du lecteur, le déranger dans son confort et ses certitudes. Par le truchement du regard posé par Estelle – que complète celui de Sonia, sa collègue -, il est amené à prendre la mesure de la confrontation quotidienne avec le vieillissement et la mort. Il devient également le spectateur de la décrépitude des uns et du glissement de l’autre vers des agissements dépassant la ligne rouge de la déontologie. Comment ne pas être émus par l’abandon progressif d’un papy ou cette vieille femme qui se réinvente un passé dont sa fille est absente ? Quant aux (ré)actions de la professionnelle des soins, elles ne manquent pas de questionner sur les difficultés des conditions de travail autant que sur la lourde charge mentale et émotionnelle que ce métier implique. Sans jamais s’inscrire dans le jugement, la narration passe d’un événement au suivant en laissant toute sa place à une humanité saisissante et palpitante, ce qui rend poignants les dilemmes dessinés en filigranes.
Le dessin n’est pas en reste et s’avère empreint d’une grande douceur, mais aussi d’une certaine énergie. Ne cherchant guère à embellir les peaux ridées, le trait n’oublie ni les plis flasques ni les tâches témoignant du grand âge. Il montre sans fausse complaisance et se pare habilement d’une mise en couleurs dominée par un bleu-gris un peu passé et froid, dont la nuance parvient à paraître étonnamment lumineuse. Quelques touches aux teintes plus vives viennent, çà et là, apporter des touches presque festives qui renforcent l’uniformité cotonneuse du reste. L’expressivité des traits et le sens aigu de la composition participent également pleinement à l’efficacité générale qui donne l’impression de demeurer en suspens, à l’image de ces vies entrevues.
Fort et émouvant, un rien déstabilisant, La dame blanche est un roman graphique de qualité à lire assurément.
Les avis
Eric DEMAISON
Le 01/12/2023 à 18:22:56
Une infirmière dans un EHPAD confrontée à la misère du grand âge provoquée par la maladie, la solitude, la proximité de la mort. L'auteur veut nous toucher en nous mettant à la place de cette soignante que la sensibilité fragilise moralement et psychiquement.
Ce n'est que peine et désespoir. Mais l'auteur abuse des situations tristes et des symboles. Par ailleurs, cette infirmière qui volent des objets souvenirs qui se fait passer pour la petite fille, et qui est glorifiée alors qu'elle quitte son rôle.
Heureusement les maisons de retraite ne sont pas que cela. Même si tous nous souhaitons y aller le plus tard possible voire les éviter.
La narration se veut empreinte de douceur et tristesse, je l'ai trouvée pleurnicheuse. Le graphisme ne m'a pas non plus emballé. J'ai trouvé ce roman très long et insipide.
Erik67
Le 25/10/2022 à 07:36:42
Dernièrement, l'artiste nonagénaire Line Renaud a porté auprès du président de la république un débat très délicat dans la société française à savoir mourir dans la dignité. Illégale, l'euthanasie est aujourd'hui un combat pour certains. Elle milite pour une loi au parlement sur la fin de vie.
Cependant, dans le monde réel, celui des EPHAD et des hôpitaux, c'est déjà une réalité pour certains soignants comme le démontre d'ailleurs cette BD intitulée la dame blanche. Certes, c'est un récit assez puissant sur la fin de vie au travers l'expérience de deux infirmières qui se dévouent pour leur travail parfois très ingrat comme on le verra.
J'aime toujours autant le dessin de Quentin Zuttion qui est à la fois d'une grande douceur et surtout d'une grande fraîcheur. Il apporte un peu de modernité comme d'ailleurs quand il reprend dans un passage une chanson « Et un jour une femme » de Florent Pagny. Cela fait du bien de se situer à notre époque. Il est vrai que les choix musicaux de l'auteur ont maintes fois été décrié mais je les approuve.
C'est encore une fois un roman graphique tout en sensibilité que voilà. L'auteur prend cette fois-ci le temps d'approfondir un peu ses différents personnages ce qui donnent une intensité à l'ensemble.
Comme dit, il est clair que la sensibilité de l’œuvre ne peut que nous toucher surtout avec une fin aussi inventive et constructive. J'ai en tous les cas beaucoup aimé dans ce que je considère comme l’œuvre la plus aboutie de l'auteur jusqu'ici.
Au Fil des Plumes
Le 21/05/2022 à 11:01:30
Quentin Zuttion a décidément l'art de m'émouvoir. Avec La Dame Blanche, le scénariste nous plonge dans l'univers des maisons de retraite. Nous y suivons Estelle, une infirmière profondément humaine qui se lie avec ses pensionnaires. Mais, il est parfois difficile de perdre ses personnes, de leur dire aurevoir.
Le scénario est touchant, émouvant et met en avant le fonctionnement des maisons de retraites. On y découvre des personnes seules, délaissées parfois par leurs familles. On y découvre des gestes tendres et des moments de bonheur.
Esthétiquement, j'ai vraiment adoré le trait tout en légèreté et pudeur de Quentin Zuttion. L'ambiance est dans des tons pastels conférant à l'ensemble une atmosphère remplie de douceur.
La Dame Blanche a donc su m'émouvoir tant par son scénario, par ses personnages que par son esprit graphique. Un vrai coup de ❤.