Résumé: Parmi les célèbres observateurs de Venise, deux peintres du XVIIIe siècle, Canaletto et Francesco Guardi ont fait école dans l’art des « vedute », ces tableaux souvenirs que les voyageurs du « Grand Tour » conservaient en mémoire de leur séjour dans l’opulente Cité des Doges. A côté de cette Venise officielle, monumentale, avec ses canaux et ses palais, mise en valeur par ces deux immenses peintres, il existe une autre Venise, plus interlope, celle des casinos, des ruelles et placettes que fréquentait le scandaleux Giacomo Casanova.
Huit grands noms de la bande dessinée ont réalisé sur place des œuvres inédites mettant en scène l’aventurier et différentes vues de la ville, sans contrainte de format ni de technique. François Avril, Griffo, Miles Hyman, Kim Jung Gi, Liberatore, Loustal, Manara et Zep ont relevé ce pari. Les dessins nés de ce voyage dialoguent avec des tableaux italiens exceptionnels, provenant des plus grands musées français.
L
e fond Glénat qui œuvre pour le rapprochement du 9ème Art avec ses illustres prédécesseurs est à l’initiative de l’exposition Venise sur les pas de Casanova : De la peinture du XVIIIe siècle à la bande dessinée » qui, après Angoulême, fait les belles heures du couvent Sainte Cécile de Grenoble du 22 mars au 16 juin 2018.
Venise, Casanova ! Deux mots, et l’imaginaire s’enflamme. Zep, Jacques de Loustal, Miles Hyman, Kim Jung Gi, Tanimo Liberatore, Manara, Griffo et François Avril se sont laissés prendre eux-aussi au jeu, comme le firent avant eux Jirô Taniguchi (Venice), Alfred (Italiques) ou Mœbius (Venise céleste) et tant d’autres…
Après quelques rappels historiques ou picturaux et une mise en situation, Bożena Anna Kowalczyk - en tant que commissaire - et Stéphane Beaujean - comme spécialiste es BD - laissent place aux impressions vénitiennes des huit dessinateurs. Si tous ces dessins sont superbes et rappelleront à ceux qui ont déambulé dans Cannaregio ou Dorsoduro maintes hésitations (il est cependant impossible de se perdre dans les calle ! S’égarer peut-être, mais jamais très longtemps...), il est à remarquer que ces illustrations demeurent dans l’orthodoxie générale à l’exception de Liberatore qui ose transgresser l’éternité de la Sérénissime. Il est vrai que la commande était Venise et Casanova ! Alors difficile de s’affranchir réellement des carcans de l’iconographie traditionnelle qui réduisent les vénitien(ne)s à l’éternel séducteur et la cité des Doges à un lupanar de carnaval… Il est dommage de ne s’attacher qu’à la superficialité des représentations et de préférer la lumière formatée aux ombres ignorées.
Encore une fois, Canaletto, Bellotto ou Guardi ne sont que des prétextes à un exercice maintes fois effectué. N'aurait-il pas été souhaitable d’aller ne serait-ce qu’un peu plus loin ?