Info édition : Introduction et textes de Colette Braeckman.
Résumé: C’est dans les années 80 que les jeunes dessinateurs congolais ont commencé à exercer leur talent. À l’époque, la presse du parti unique n’appréciait guère l’impertinence et il était hors de question de croquer le Maréchal ou d’autres tenants du pouvoir. Les débutants se réfugièrent donc dans la bande dessinée. Plusieurs albums et séries virent le jour dans des publications catholiques, diffusées par un éditeur belgo- congolais spécialisé dans les livres scolaires, Afrique Editions.
Les dessinateurs connaissaient bien la maison, puisqu’ils y étaient régulièrement invités à collaborer à des livres scolaires publiés à Kinshasa, et y trouvaient un précieux gagne pain. Vers la fin des années 80, alors que la contestation politique gagnait du terrain, les dessinateurs s’enhardirent : ils quittèrent le monde très particulier des séries et des albums officiellement destinés aux enfants pour se lancer dans la presse généraliste qui entamait son essor.
C’est qu’au début des années 90, tout était en train de changer : le président Mobutu, impressionné par la fin du socialisme et du parti unique en Europe de l’Est, avait décrété l’avènement du multipartisme, que les commentateurs appelèrent aussitôt le multimobutisme. La libéralisation ne se limita pas aux partis politiques, à l’émergence d’une société civile dynamique, à l’organisation de la conférence nationale souveraine. La presse privée prit son envol, de nombreux titres apparurent, le Potentiel, la Tempête des Tropiques, la Référence Plus, bien plus impertinents que le très officiel Salongo. C’est là que les talents des caricaturistes explosèrent. Finies les bandes dessinées, les illustrations pieuses, les annonces pour les matches de judo et de boxe, les dessinateurs de Kinshasa, très politisés, s’engouffrèrent dans le créneau ouvert par la presse privée.
En 1991, sous la poussée de Barly Baruti, un véritable homme orchestre, dessinateur, musicien, peintre, comédien, le couvercle sauta : le Festival de la bande dessinée, premier du genre, fut organisé à Kinshasa, soutenu par des sponsors que l’on retrouve encore aujourd’hui, le Centre Wallonie Bruxelles et le Centre culturel français qui prêta un immeuble de prestige sur le Boulevard du 30 juin. Tous ceux qui suivaient jusqu’alors les feuilletons publiés dans la presse et dans les albums au tirage confidentiel, découvrirent qu’un nouveau moyen d’expression s’était installé à Kinshasa, le 9e art, que Baruti, à l’époque définissait comme suit « la BD est aussi un BD, un bon dialogue ».
Le Centre belge de la Bande dessinée avait à l’époque envoyé quatre dessinateurs belges à Kinshasa, et durant deux semaines, ce salon exceptionnel permit des rencontres entre dessinateurs mais aussi entre acteurs, musiciens et comédiens, augurant déjà de l’exceptionnelle vitalité culturelle de la capitale congolaise.
Par la suite hélas, les artistes congolais devaient se retrouver bien seuls. Certes, les sujets d’inspiration ne leur manquaient pas (la conférence nationale souveraine, les deux séries de pillages, puis la fin du règne de Mobutu et les deux guerres qui suivirent) mais les coopérations étrangères avaient choisi la politique de la chaise vide et les moyens du centre Wallonie Bruxelles demeuraient limités. Même isolés, privés de contacts et de reconnaissance internationale, les artistes congolais continuèrent à croquer les péripéties et souvent les drames du quotidien : les peintres naïfs, Moke, Cheri Samba, Cheri Chenin et tant d’autres immortalisaient les péripéties de la vie nationale et les difficultés de la débrouille tandis que les dessinateurs bénéficiaient de l‘hospitalité de la presse privée.
Alors que l’écrivain Yoka décryptait l’actualité en adressant des lettres à son oncle resté au village, les caricaturistes et s’en donnaient à coeur joie, immortalisant la toque de Léopard du président Mobutu, le front plissé de Tshisekedi, la crosse de Monseigneur Monsengwo, puis la dégaine de Laurent Désiré Kabila.
Si les journalistes autoproclamés « chevaliers de la plume » étaient souvent bousculés sinon poursuivis et menacés, les caricaturistes bénéficiaient d’une relative impunité. C’est qu’ils avaient les rieurs de leur côté, ils étaient les héros de ces « parlementaires debout » qui, faute de moyens pour acheter les journaux, en parcouraient avidement la première et la dernière page affichées en pleine rue, ou étalées à même le sol…Et il arrivait aussi que leurs dessins, dûment photocopiés, soient distribués ou plutôt vendus dans la cité pour quelques sous…
Opération Congo
Les 50 ans de l’indépendance du Congo en pdf
les plus récents
Les criminels de guerre, entre les “faiseurs de paix” et les “justiciers”
Le retour d’Etienne Tshisekedi
Entretien exclusif avec Kabila, chef de chantier
Collision frontale en Côte d’Ivoire
Le secteur minier du Kivu est à l’arrêt
Les plus lus
Le président Kagame à coeur ouvert - 11.978 fois
La triste fin d’un gosse de riches - 10.812 fois
Le double pari de Kabila et Kagame - 7.554 fois
Le grand bond chinois vers l’Afrique - 6.511 fois
L’arrestation du chef des Cellules communistes combattantes nous ramène aux années de plomb - 6.217 fois
Rose Kabuye, championne du combat judiciaire - 6.093 fois
La traque des Hutus rwandais a commencé - 5.693 fois
Congo:on allait voir ce qu’on allait voir… - 5.685 fois
Karel De Gucht à propos des relations entre la Belgique et le Congo - 5.639 fois
Un avocat américain arrêté à Kigali - 5.456 fois
Recherche
Articles récents
Climat de guerre à Bujumbura
Comequi au service des petits producteurs de café du Nord Kivu
Au Nigeria, Boko Haram perd du terrain même si les enlèvements persistent
A la Belgique: cri du coeur lancé par une amie du “plat pays”
Congo: Amnesty s’inquiète de la répression des “voix discordantes”