Résumé: Malgré des avancées grâce au mouvement #metoo, le Projet Crocodiles est toujours utile aujourd’hui pour combattre toutes les formes de sexisme !
Le Projet Crocodiles naît sur Internet en même temps que le site Paye Ta Shnek et bien avant le mouvement #metoo. Des témoignages de femmes victimes de harcèlement de rue et de sexisme y sont transposés en bande dessinée avec une originalité : les hommes sont représentés sous la forme de crocodiles. Juliette Boutant rejoint Thomas Mathieu et, ensemble, ils rendent compte d’actes sexistes qui se déroulent aussi ailleurs que dans la rue : les violences gynécologiques et obstétricales, le sexisme dans les rapports avec la police, en milieu professionnel, dans la sexualité, la vie publique ou encore l’éducation
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ne main aux fesses, des paroles insultantes, un regard qui s'attarde sur un décolleté ou encore des gestes brutaux, autant de manifestations dégradantes pour les unes, normales pour les autres.
Au départ, il y eut un premier recueil, paru en 2014, dans lequel Thomas Mathieu exposait les multiples formes que peut prendre le problème du harcèlement sexuel féminin. Pour celui-ci, il s'est associé à Juliette Boutant afin de partager un projet qui les concerne, elle et ses consœurs. Le résultat invite à la prise de conscience, à la réflexion, aux débats et aux changements des mentalités. Les situations sont retranscrites à travers la vision de celles qui les ont vécues, rendant le spectateur directement témoin. Quelquefois amusants, souvent malsains, déprimants et choquants, les témoignages sont classés par thématique (dans la rue, les policiers, à l'hôpital, en boite, en couple...). Cette mise en image des diverses expériences pousse le lecteur à s'interroger, réagir, changer - c'est à espérer - concernant la persécution et le sexisme dont les femmes sont les proies au quotidien, des petites dragues maladroites aux relations vraiment violentes. L'auteur relate sobrement, sans donner son point de vue, donnant la voix à ces victimes. Certaines scènes sont dures, simplement parce qu'elles ont été difficiles à vivre. Les personnages masculins sont représentés en crocodiles, un peu par hasard mais aussi pour le symbole de cet animal prédateur, confie-t-il dans cette interview ([url]http://www.9emeart.fr/post/interview/franco-belge/thomas-mathieu-et-le-projet-crocodiles-interview-2735[/url]). L'organisation des histoires est bien pensée, alternant des récits longs ou courts, des thématiques sombres ou plus légères, avec également des conseils sur le comportement à adopter car, apparemment, c'est loin d'être évident. Un sentiment d’impuissance persiste pourtant devant l'absence de solution manifeste car, à part modifier les comportements, que faire ? Il est bien admis qu'il ne faut pas généraliser, l'important étant de ne pas sous-estimer ce fait de vie en collectivité.
Le choix du noir et blanc rehaussé par le «vert alligator» inspire un côté froid, parfois menaçant quand la couleur envahit les pages. Néanmoins, le trait simple, un peu naïf génère des saynètes plus supportables et rend l'ensemble agréable à lire, sans pour autant minimiser la portée du propos.
Un ouvrage utile et nécessaire qui libère la parole et lève le tabou sur un phénomène de société global, malheureusement trop fréquent et banalisé. À lire.
Les avis
Erik67
Le 16/09/2024 à 07:32:45
Il est vrai que quand les crocodiles sont arrivés en 2014, le délit de harcèlement des rues n'existait pas encore. C'était d'ailleurs la première fois qu'une BD abordait ce phénomène pourtant déjà courant et qui pullulait dans les rues de notre pays si macho comme si on avait le droit d'aborder les femmes de cette manière. Cela m'avait assez marqué à l'époque. Oui, déjà une bonne décennie !
Mais voilà, depuis l'écriture ce premier roman graphique, les crocodiles sont malheureusement toujours là. Oui, tant qu'il y aura des hommes sur la planète, le phénomène continuera de plus belle pour empoisonner la vie de jeunes femmes voulant juste être tranquilles sans qu'on les aborde dans les lieux publics. Toute drague doit être proscrite car on vit dans une triste époque où les abus ont entraîné ce type d'interdiction.
Pour ma part, sachez que je ne fais plus des bises à des femmes collègues sur mon lieu de travail car j'aurais trop peur d'être accusé de harcèlement sexuel. J'évite également toutes remarques positives sur leur style vestimentaire. Voilà, on en est arrivé là ! Il est vrai que certains individus peuvent se comporter de manière répréhensible, mais cela ne reflète pas la majorité des hommes, très loin de là ! Dans la plupart des cas, les relations entre les deux sexes se passent très bien.
Il est vrai que nous avons dans cette BD la compilation de tous les actes les plus répréhensibles et qui sont condamnables à quelques nuances près car il y a également des actes de maladresses inopportunes. En refermant cette BD, on a l'impression que le monde est tel quel mais ce n'est pas la réalité car il existe également des femmes qui se comportent très mal. Ce n'est pas exclusif à un sexe quel que soit la nationalité ou l’origine ethnique. C'est tout simplement propre au genre humain.
Certes, je ne minimise pas le problème du sexisme qui existe dans notre société ne serait-ce que la différence de salaire pour un même poste entre un homme et une femme. Oui, il y a encore du travail à réaliser pour peu qu'on laisse la religion de côté dans une société laïque. On sait désormais que c'est un vrai problème que visiblement cette œuvre militante a pris le soin de ne pas aborder afin de ménager certainement quelques susceptibilités.
Par ailleurs, certains récits m'ont plus marqué que d'autres dans l'horreur de ce que certains hommes ont pu faire subir à des femmes comme par exemple prétendre d'être stérile pour ne pas utiliser de préservatifs avec les conséquences prévisibles qui s'en suivent. Là encore, je ne peux que soutenir les victimes de ces prédateurs car on voit bien les conséquences psychologiques bien des années après. Tomber sous le charme d'un bad-boy est malheureusement chose possible. J'aurais sans doute tendance à conseiller utilement à plus de vigilance avant l'engagement. Mais bon, chacun réagit différemment dans le feu de l'action.
Sinon, je suis pour qu'une telle œuvre existe et se fasse connaître afin de mieux éduquer certains hommes sur leurs comportements. C'est d'utilité publique afin de mieux faire progresser les mentalités. Il s'agit d'aborder ces questions avec empathie et chercher des solutions constructives pourrait être plus bénéfiques pour l'ensemble de la communauté.
Il est toujours bon de chercher des sources diversifiées d'information pour avoir une vue plus équilibrée des faits, loin des stéréotypes et des généralisations hâtives. Le dialogue respectueux et l'ouverture d'esprit peuvent mener à une meilleure compréhension mutuelle et à la résolution des tensions. Et puis, qui sait ? Peut-être qu'un jour les crocodiles auront disparus tout comme les dinosaures !