Résumé: Renouant avec la veine acide qu’on lui connaît, Pascal Rabaté s’associe à Simon Hureau pour une comédie noire, grinçante et jubilatoire. Didier est boucher, amateur de bande dessinée et… cocu ! Cela lui bousille la vie. Sandrine, son épouse, le trompe avec leur meilleur ami, Éric. Cela fait au moins un an que cela dure, depuis les vacances passées. Il aime sa femme plus que tout, il est patient, mais il ne supporte plus ses mensonges et ne peut définitivement plus encadrer son ancien copain. Il décide donc de se venger. Et son idée, il va la trouver dans un classique de la bande dessinée…
C
rève, s……..aucisse ! Ainsi tente de se disculper Didier, surpris par son jeune fils en train de s’acharner à coups de couteau sur un quartier de bœuf dans la chambre froide de sa boucherie. La vie paisible de ce tranquille commerçant a basculé quelques mois plus tôt, quand il a entrevu sa Sandrine adorée dans les bras de son amant. Depuis, il mûrit son ressentiment contre ce salaud d’Eric, l’ami de la famille. Le compagnon des vacances et des jours heureux. Le traitre. Mais ce soir, il va mettre en route une machination imparable pour se débarrasser de son rival. Trop longtemps qu’il souffre en silence, à chaque escapade de sa femme, qu’il s’exalte d’un fol espoir quand celle-ci semble délaissée et qu’il rechute encore plus bas lorsque la romance reprend.
L’originalité du scénario concocté par Rabaté, et qui parlera à nombre de lecteurs ici, c’est que le héros de ce drame est un pur bédéphile. La bibliothèque pleine à craquer d’ouvrages choisis, de Tillieux à Tardi, Baudoin, des figurines Tintin, une fée de Loisel, voilà qui semblera étrangement familier à beaucoup. Plus insolite encore, c’est en puisant dans les classiques du neuvième Art que l’infortuné boucher trouve un moyen d’accomplir sa vengeance morbide. Mais par-delà ces signes de connivences envoyés aux aficionados de la bande dessinée, c’est dans la transcription des émotions, le soin porté aux détails du quotidien, que les auteurs déploient une grande finesse, imprimant véracité et authenticité au récit. Une attention qui est comme la marque de fabrique des deux bédéastes : le souci constant des dialogues qui sonnent justes, poussant loin les sentiments d’identification du lecteur, jusqu’au malaise parfois.
Rompant partiellement avec le trait légèrement trembloté de ses albums précédents, Simon Hureau se met parfaitement au service de son scénariste, apportant toujours une belle précision aux décors, mais adoptant une technique plus lisse pour croquer les personnages. Mention particulière à l’héroïne, Sandrine, objet de toute l’application du dessinateur, par la variété des états d’âme qui la saisissent, par la beauté simple de son visage de madone, par ses postures, stylisée d’une manière évoquant irrémédiablement Matisse.
Crève saucisse est peut-être avant tout ce très beau portrait de femme, un portrait en creux de l’épouse dans le regard du mari éperdu, en forme de drame intimiste. Une tranche de vie vibrante d’humanité.
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 20:16:55
Voilà mon genre de bd: une histoire simple avec une mise en scène efficace et qui joue sur la variation des sentiments humains partant de l'amour à la haine. La vengeance n'est sans doute pas la solution lorsqu'on souffre à cause d'une personne qu'on aime et qui nous trahit. On verra que la bd peut parfois donner des idées un peu morbides. Bref, les auteurs ont su à la perfection restituer un thriller qui se tient sur le thème du couple. On espère juste qu'il y aura une suite. La fin est assez ouverte pour le permettre. Derrière le sourire d'un boucher peut se cacher bien des choses...
gazouz
Le 05/07/2018 à 23:39:15
Original, plaisant, saignant, tendre, intime, sensuel, Gil Jourdan, cocu, hampe, filet, pot au feu ...
Dejardin
Le 21/08/2013 à 11:06:50
Superbe histoire humaine. Emouvante. Un quasi sans faute, mais pe que la dernière page est de trop ? En tout cas, quand je le relis, je m'arrête à l'avant dernière :)