Info édition : Noté ''Première édition''.
Couverture souple avec rabats. Cet album compte 130 planches réparties en 7 chapitres.
Avec, en fin de volume, 5 pages de Biographie sur Jung & 3 pages d'Editorial de Quadrants.
A
14 ans, Jung est un enfant presque comme les autres. Presque, car il a été adopté quelques années plus tôt par une famille belge, très loin de son lieu de naissance, la Corée du Sud. Les difficultés de l'adolescence sont, chez lui, exacerbées par un profond déracinement et une recherche d'identité qui prennent de plus en plus de place. Il y a les filles et les premiers émois, les désirs d'indépendance et de liberté, mais aussi le rejet de son pays natal, un véritable culte voué au Japon et un manque d'amour maternel difficile à combler. En grandissant, les portes s'ouvrent quand d'autres se referment, le guidant peu à peu vers une forme de rédemption et de paix avec les autres et avec lui-même.
Quand on regarde attentivement la bibliographie de Jung, on s'aperçoit assez rapidement que la plupart de ses histoires ont lieu dans le Japon médiéval, que ce soit Kwaïdan, Okiya ou bien Kyoteru. Il est alors facile d'imaginer l'auteur comme un nippon expatrié, désireux de transmettre, à travers la bande dessinée, l'art et la culture de sa patrie originelle. Pourtant, Jung est bien né en Corée du Sud en 1965. Ceci est d'autant plus surprenant que ce pays vécut sous dominion japonaise au début du XXe siècle, juste avant sa division en deux Etats, de part et d'autre du 38ème parallèle, en 1945. Comment expliquer alors cette passion, presque contre-nature ?
La réponse se trouve dans Couleur de Peau : Miel dans lequel Jung y raconte son enfance et la difficile acceptation de sa condition de garçon adopté. Alors que le premier tome relatait son arrivée en Belgique, sa découverte du monde occidental et de sa nouvelle famille en particulier, le deuxième se recentre sur l'adolescent, sur ses angoisses, ses envies, mais aussi sur un sentiment de révolte envers un pays, le sien, qui n'a pas voulu de lui. Il se tourna alors vers l'ennemi, le colon, l'envahisseur. Un même sentiment de rejet s'empare de lui quand il pense à sa mère génitrice, celle qui l'a abandonné à Namdaemun quelques années plus tôt. Pendant qu'il tente la réconciliation morale, il a du mal à satisfaire son besoin d'amour auprès de celle qui la recueilli en Belgique, sa maman de cœur.
Malgré sa volonté de parsemer le récit d'humour, de ne pas tomber dans le misérabilisme ou dans l'apitoiement, certains passages sont parfois très durs. Car si Jung a eu la force, la volonté ou la chance (ou un peu des trois à la fois) de s'en sortir, d'autres n'ont pas eu ce privilège et sont peu à peu tombés dans la dépression, allant jusqu'à se donner la mort. Couleur de Peau : Miel parle non seulement de la vie de l'auteur mais de l'adoption en général. Il met, pour une fois, en valeur le regard de l'enfant avant celui des adultes. Plus que cela, il bat en brèche toutes les idées reçues sur le sujet et pourrait servir d'ouvrage de référence à n'importe quel parent désirant franchir le cap. L'histoire est écrite avec suffisamment de détachement, sans haine, mais avec passion. Un peu comme si ce diptyque était l'aboutissement d'une thérapie, longue et douloureuse.
Le dessin en noir et blanc va à l'essentiel, sans fioriture, que ce soit dans les décors, épurés, ou les personnages, parfois à la limite de la caricature. Beaucoup de récitatifs donnent à l'ensemble un côté didactique. Et quand l'émotion devient trop forte, l'auteur n'hésite pas à utiliser un symbolisme toujours à propos ou une parabole pleine de poésie. Comme dans le premier tome, les dernières pages offrent un prolongement idéal du récit par l'intermédiaire d'une interview de Jung suivi de quelques témoignages d'adoptés ou de parents adoptifs.
La deuxième partie de Couleur de Peau : Miel est peut-être moins intéressante que la première, qui bénéficiait non seulement du privilège de la découverte mais aussi de celui de parler d'un môme de cinq ans, déraciné, forcément attendrissant. Pourtant, Jung s'y dévoile de façon surprenante, presque impudique. Cette autobiographie, qui n'a rien de nombriliste, bien au contraire, force le respect. A travers sa propre histoire, l'auteur parle beaucoup des autres et la rend finalement universelle. Son plus grand mérite étant, sans aucun doute, de rendre cet altruisme formidablement communicatif.
Les avis
Nicobax
Le 03/11/2008 à 10:56:16
J'ai beaucoup plus accroché au 2ème tome des mémoires de cet auteur d'une quarantaine d'années, Coréen adopté par une famille belge. Si le premier tome était plein de colère, de violence, de rancœur (avec parfois la sensation qu'elle était tournée contre le lecteur), celui-ci est plus mesuré, plus posé, peut être parce qu'il aborde des choses que Jung a mieux digéré. On est beaucoup moins dans le pathos et forcément, le propos fonctionne mieux.
J'ai refermé le premier tome avec pas mal d'agacement, j'ai fermé celui-ci avec beaucoup plus de... je ne dirais pas compassion parce qu'il n'essaie pas de faire pleurer dans les chaumières cette fois-ci mais plus de compréhension, d'empathie. C'est aussi plus drôle, plus honnête, plus touchant (le passage sur sa mère et sa petite sœur adoptée elle aussi sont sobres mais poignants). Vraiment nettement mieux à mes yeux.
Hugui
Le 28/09/2008 à 14:16:55
Suite de la vie de Jung qui vit en Belgique dans sa famille d'adoption et est toujours à la recherche de son identité. Malgré tous ses voyages en Asie, il n'a toujours pas fait le pas de retourner en Corée.
Ce deuxième tome est dans la même veine que le premier mais plus centré sur la personne de l'adolescent sans trop progression dans l'histoire.
Cela n'en reste pas moins très émouvant. Même si c'est annoncé comme la fin, on attend avec impatiente une suite avec son futur voyage en Corée.