A
glaé, une Océanide à la vie un peu trop paisible, s’éprend un jour d’un homme-poisson dont elle se retrouve enceinte. Bannie par son père, furieux, la future mère erre un certain temps avant de parvenir au pays de Marylène où elle rencontre Mister Kite, patron d’un cirque, et ses amis. Accueillie chaleureusement, la jeune prégnante verrait l’avenir lui sourire si une loi édictée par Von Krantz, le tyran local, ne stipulait que toute fille-mère doit mourir. Pour éviter ce funeste sort, Aglaé accepte d’épouser son hôte. Quelques années plus tard, l’Océanide est une ménagère rongée par l’ennui et peu satisfaite de son statut. Aussi, lorsque ses triplées sont enlevées par Von Krantz, décide-t-elle de se rendre au palais du despote pour le tuer. Sa mission accomplie, Aglaé est proclamée reine. Mais le pouvoir est un poison qui ne tarde pas à s’infiltrer dans ses décisions et à la rendre excessive.
Personnage récurrent de plusieurs œuvres d’Anne Simon (Perséphone aux Enfers, Gousse & Gigot, Les petites prouesses de Clara Pilpoile, Tranches napolitaines), Aglaé est cette fois-ci la figure principale d’un de ses albums. Des tranquilles rives du lac du bois d’Enna au château du pays Marylène, l’auteure se penche sur le parcours de l’Océanide, passant en revue ses diverses amours et ses attentes souvent déçues. L’héroïne de cette geste s’avère une éternelle insatisfaite, ballottée par les aléas d’une existence soumise à différentes contraintes et que la liberté totale, jointe à la toute-puissance, ne parvient qu’à entraîner vers un asservissement bien pire.
La thématique qui a trait à ce combat d’une femme – qui pourrait être celui de toutes les femmes – pour mener la vie qu’elle veut se révèle plutôt intéressante sur le fond. De même, les relations humaines – sentimentales et sociales en particulier – sont assez bien traitées. Cependant, le format même de cette BD, un recueil d’épisodes parus dans plusieurs revues, hache le propos et lui enlève une grande partie de sa fluidité. La narration passe ainsi d’une époque à l’autre sans véritable transition, ce qui n’est pas toujours heureux et peut perdre le lecteur en cours de route. Par ailleurs, bien qu’il s’agisse d’une comédie, l’humour, un peu grinçant par moments, fait plus ou moins mouche. Côté dessin, le trait, assez caricatural, d’Anne Simon n’est pas désagréable et campe plutôt bien les nombreux protagonistes. Le découpage ainsi que le contenu des cases fluctuent selon les scènes et peuvent s’avérer aussi simplifiés et aérés que très denses et fournis, voire étouffants.
Dans l’ensemble, La Geste d’Aglaé se laisse assez bien lire, mais ne parvient toutefois pas à générer un enthousiasme suffisant pour qu’on s’y attarde longuement.