Résumé: XIIIe siècle. L’abbaye de Cluny est un centre religieux, culturel et scientifique de premier plan qui rayonne à travers toute la Chrétienté. L’abbé Guillaume y accueille son ami d’enfance, le chevalier Godefroid, de retour des croisades après plus de dix ans d’absence. Mais la joie des retrouvailles est de courte durée : des événements dramatiques et mystérieux se succèdent à l’abbaye. Est-ce la main de Dieu, celle du Diable… ou celle de l’homme qui frappe ainsi ? Guillaume charge Godefroid de l’enquête ! Elle va le mener jusqu’à l’entourage du Pape et révéler un complot qui pourrait bouleverser le cours de l’Histoire ! La conjuration de Cluny est un thriller médiéval dans la lignée du Nom de la Rose. Il s’agit du premier tome d’une collection éditée en partenariat avec les Éditions du Patrimoine et le Centre des Monuments Nationaux.
A
rchéologue, Virginie comprend rapidement que son équipe vient de découvrir un véritable trésor lorsqu'elle entreprend la lecture des manuscrits trouvés dans une tombe proche de Cluny et qui la plongent au cœur d'une noire intrigue. À l'aube du XIIIe siècle, le vol inexpliqué d'un objet sacré agite l'abbaye, si bien que l'abbé Guillaume charge Godefroid, ancien novice devenu chevalier croisé de retour après dix années d'absence, d'élucider l'affaire. Accompagné de son ami musulman, Akim, mal vu par les moines, celui-ci s'empresse de mener l'enquête et de dénicher une piste. Mais l'arrivée inopinée d'un conseiller pontifical, les menées jalouses du grand prieur Giraud, une succession de meurtres et la présence d'un dominicain fanatique dans les environs viennent corser les investigations et mettre au jour des enjeux bien plus sombres que les apparences le laissent penser.
Premier tome issu de la collaboration entre Glénat, les éditions du Patrimoine et le Centre des Monuments Nationaux, La Conjuration de Cluny s'inscrit, comme le résumé éditeur l'annonce, dans la lignée du célèbre thriller historique, Le Nom de la Rose d'Umberto Eco. Alcante (Pandora Box, Les gardiens des Enfers, Jason Brice, Re-Mind) en reprend les éléments principaux : de mystérieux assassinats associés à des mystifications propres à créer un climat de tension et de peur, des personnages aux desseins troubles - certains trop onctueux pour être honnêtes, d'autres passablement acharnés et aux méthodes de soudards -, un texte philosophique et théologique qui pourrait bouleverser complètement la donne s'il était connu. Sans oublier l'ombre d'une croisade aux objectifs plus que sujets à controverse, un Sherlock Holmes (ou Guillaume de Baskerville) en haubert et un lieu aussi idéal que plein de panache, en l'occurrence le centre du rayonnement clunisien, alors à son apogée en Europe. En cela, le scénariste a parfaitement réussi son coup, offrant par là des bases adéquates autant qu'alléchantes au récit.
Malheureusement, l'intrigue, pourtant prometteuse, sonne creux assez vite et l'effet escompté ne tarde pas à faire long feu. Malgré les nombreux évènements qui ne cessent de venir assombrir l'histoire et de rapprocher de plus en plus le héros du vrai, l'histoire pèche par excès de clichés, par le manque d'épaisseur des protagonistes, ainsi que par la grossièreté des ficelles utilisées ou la trop grande précision d'explications qui mettent trop facilement le lecteur sur la piste et ôtent toute surprise à certains passages. Dommage que, par ailleurs, d'autres aspects n'aient pas été plus développés - format one-shot oblige, sans doute -, comme tout ce qui tourne autour des écrits de Pierre le Vénérable et dont l'exploitation aurait pu conférer un côté plus profond à l'ensemble. De même, Akim joue à peine le rôle de pièce un brin perturbatrice dans un couvent chrétien - difficile même d'y voir un catalyseur. En outre, il rappelle par trop l'Azeem de Robin des bois, prince des voleurs, jusque dans les propos qu'il échange avec Godefroid, et sa présence paraît presque inutile. Peu convaincante, Adonna l'est également et n'a sa place qu'en tant qu'amante puis détentrice de la vérité. En revanche, les figures des méchants s'en sortent mieux, bien qu'elles aient pu être davantage fouillées et moins caricaturales. Enfin, l'introduction et la conclusion de l'album mettant en scène Virginie, si elles n'apportent pas grand-chose au fond, permettent une mise en perspective, certes simple, mais indéniablement intéressante.
Côté graphique, le dessin de Luca Malisan (Le Chant des Stryges #13) ne se distingue guère par son originalité et s'avère au contraire un peu trop lisse. Il parvient, néanmoins, à rendre au mieux le fantastique cadre qu'est l'abbaye de Cluny et ne démérite nullement par ses plans larges et par ces perspectives cinématographiques, laissant le loisir d'admirer, sous divers angles, l'architecture de ce formidable édifice. Le dessinateur réussit également à camper de façon plutôt convaincante la plupart des personnages, en conférant à quelques-uns le profil de l'emploi. Toutefois, on pourra reprocher le côté parfois figé des visages, pourtant généralement expressifs, accentué par une mise en couleurs informatique peu inspirée et dépourvue de vitalité.
Dotée d'une bonne idée de base et bien que se lisant avec facilité et sans ennui, La Conjuration de Cluny pâtit cependant d'un certain manque d'envergure de l'histoire racontée et d'un graphisme manquant d'attrait.
Les avis
Benjie
Le 07/02/2021 à 18:48:26
Centre religieux et culturel d’une importance majeure dans l’Europe chrétienne, l’abbaye de Cluny est en proie à actes malveillants… De là à penser qu’ils sont peut-être l’œuvre du surnaturel, il n’y a qu’un pas. Surtout quand ils se déroulent lors du retour d’un ancien novice, condamné à partir en croisade pour purifier son âme après avoir ressenti des désirs coupables envers une jeune fille du village. L’abbé Guillaume qui avait pris la défense du jeune novice 10 ans auparavant, lui confie l’enquête. Alternant entre deux époques – Cluny aujourd’hui et l’abbaye au début du XIIIe siècle - le récit se déroule de manière linéaire. Ca se tient, c’est intéressant historiquement, pas désagréable à lire, mais l’ensemble reste assez plat et parfois lourd, surtout quand les dialogues insistent sur ce que les auteurs veulent à tout prix nous faire comprendre. L’enquête ira jusque dans l’entourage du pape et dévoilera un complot politico-religieux qui sera à l’origine de la quatrième croisade. L’idée était intéressante, le résultat est décevant. Trop fade. Trop de clichés. Le seul point très positif ce sont les reconstitutions de l’abbaye de Cluny. J’avais cet album ; je l’ai lu mais il ne me laissera pas un grand souvenir.
Erik67
Le 26/11/2020 à 08:56:37
La conjuration de Cluny est une histoire intéressante qui met en valeur l'idée de la manipulation des masses par le pouvoir. Souvent, ce n'est pas la tête de l'exécutif qui fomente une mauvaise idée mais les conseillers qui sont dans l'ombre.
Alcante a encore eu le génie de relier par une simple idée les évènements qui se sont produits après le 11 septembre 2001 avec le tragique été de l'an de grâce 1198 dans l'abbaye de Cluny. On apprend que cette abbaye rayonnait sur l'Europe en y exerçant son influence et était la plus importante au Moyen-Age après le Vatican.
Au début, j'ai crû à une commande du Centre des Monuments Nationaux tant l'action semblait téléguidée dans le but de nous faire découvrir ce patrimoine aujourd'hui disparu pour cause de révolution. On entre progressivement dans un récit qui ne va pas se révéler pourtant très original. Cependant, le final va rehausser le niveau par la signification et le message voulu par l'auteur. C'est sans appel dans un exercice réussi.
dorsetshire
Le 12/07/2012 à 16:35:24
Voilà une excellente bd publiée chez Glénat avec le soutien des Editions du Patrimoine. Enfin un one-shot de qualité (cela change des séries à rallonge dont on ne sait pas trop à quoi s'attendre lorsqu'on s'engage à l'acheter) développant une histoire complète et de qualité (scénario et graphisme).
Grande variété dans cette bd : un peu de médiéval et d'époque contemporaine, une histoire romantique sur fond de croisades, une enquête et un petit message moral de tolérance.
Vraiment à découvrir sans tarder.