A
u Hokkyoku est un de ces grands magasins où une clientèle chic peut trouver un vaste panel d’articles de qualité, conseillée par des employés éternellement souriants. Fraîchement embauchée, Akino y fait ses premières armes sous le regard vigilant de Tôdô, le chef de rayon. Parfois secondée par ses collègues déjà rodées, la jeune femme navigue à travers l’établissement pour satisfaire les moindres désirs des V.I.A. – Very Important Animals. Car oui, dans ce temple du bon goût, les acheteurs les plus huppés appartiennent à des espèces disparues, qu’il revient au personnel humain de choyer tout particulièrement.
Avec sa couverture au cachet délicieusement suranné, La concierge du grand magasin attire l’œil et suscite la curiosité. L’étrange chassé-croisé par escalators interposés entre la charmante hôtesse et la faune élégamment vêtue qui l’entoure annonce une plongée dans un microcosme savamment mis en scène et décrit par Tsuchika Nishimura dont deux œuvres précédentes – Eisbahn, sentier verglacé et Au revoir, Mina – ont été également publiées par Le Lézard Noir. Ce nouveau seinen se compose de dix chapitres, initialement parus en deux volumes au Japon et rassemblés en un seul dans la présente édition française. Un choix bienvenu puisqu’il permet au lecteur de savourer d’une traite cet album singulier teinté d’un zeste de douce nostalgie.
Le recueil s’ouvre sur quelques affiches publicitaires au design désuet, avant de présenter l’héroïne-narratrice et les lieux. Ensuite, les rencontres se succèdent, ainsi que les défis pour Akino. Entre éviter les impairs, observer les chalands pour anticiper leurs désirs potentiels, aider un père à dénicher un présent pour sa fille, raviver l’espoir chez un loup en quête de l’âme sœur, occuper un zébreau qui s’ennuie, le travail ne manque pas. Chaque récit est axé sur la serviabilité et la bienveillance, quelles que soient les circonstances ou le mauvais caractère de certaines bestioles. En outre, l’auteur livre des informations instructives sur les animaux évoqués. Factuelles, ces données soulignent l’importance de l’action humaine sur la disparition de ces spécimens, tandis que l’inversion des rôles – l’homme servant désormais ces bêtes dans un endroit clos répondant aux critères de la consommation de masse – invite à une réflexion des plus intéressantes.
Le trait fin et le côté vieillot du dessin font mouche. Les protagonistes sont joliment croqués, expressifs et tous bien caractérisés. La composition des planches reste assez classique, mais la variété des plans et des cadrages permet d’assurer une bonne dynamique d’ensemble. Vues à hauteur de souris, de mammouth, de dodo ou de jeune femme, perspectives et décors changent et font découvrir l’endroit différemment.
Plongeant dans un univers atypique, La concierge du grand magasin se révèle un album de qualité à découvrir.