Résumé: Il a un job correct, un mariage aussi heureux que possible après 16 ans de vie commune, des enfants assez aimants... Une vie moyenne, réglée comme du papier à musique d'ascenseur. Alors, faute de ressentir ou de s'exalter, il pense. À la mort, principalement. À la vacuité de ces vies ni bonnes ni mauvaises, qui jouent la partition sans se poser de question. Il est l'homme du XXIe siècle. Et il se laisse un mois, pour voir...
I
L, appelons-le ainsi, est marié, père de deux filles, dirige un service de relations publiques, boursicote, fait les courses, a le cœur à gauche et le pragmatisme à droite et voit son psy régulièrement. Ah oui, un ultime détail ! Alors que beaucoup sauraient faire quelque chose de son existence, lui n’arrive même pas à lui trouver un sens…
Le problème de IL, c’est qu’il a tout pour être heureux, du moins selon les canons en vigueur. Cependant, lui ne l’est pas ! Égratignant au passage nombre de ses contemporains au travers de ses réflexions sur les valeurs cardinales de la vie moderne, Gilles Dal égraine certaines vérités qui pourraient entrer en résonance avec les états d’âme d’une minorité à même de s’offrir une dépression. Mais après ? Rien, ou presque ! IL est un mec sans relief, bourré de lieux communs, sans passion et sans émotion, incapable de donner un visage à sa femme ou à ses enfants. Alors, y avait-il matière à réaliser un album ? La réponse est oui si vous appréciez le graphisme de Johan De Moor.
Graphiquement, Cœur glacé relève d’une créativité qui tranche singulièrement avec la vacuité journalière de IL. À la limite du surréalisme, le dessin est plein de vie, de mouvements, de couleurs et d’un humour à la fois décalé et absurde. Paradoxalement, cette iconographie exubérante comme la pagination un peu folle illustrent, à leur manière, la futilité des joies normées d’un quotidien formaté. En cela, elles expliqueraient peut-être l’anhédonie de IL. Toutefois, son indifférence d’enfant gâté envers les petits bonheurs de tous les jours est proprement insupportable.
Cœur glacé prouve, si cela était nécessaire, que la vie a le sens qu’on veut bien lui donner… Une dernière chose, cette bande dessinée n’est pas, en cette période de fêtes, le cadeau rêvé. Sauf à vouloir plomber l’ambiance !