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n 1970, la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse n’avait pas encore été votée. Les filles-mères devaient s’en remettre aux mains d’hommes ou de femmes qui pratiquaient l’avortement clandestin non médicalisé utilisant des techniques parfois dangereuses et rudimentaires. La maman de Virginie était l’une d’entre elles, une jeune lycéenne de 18 ans à peine, tombée enceinte à une époque où la réputation et le qu’en dira-t-on pouvaient briser une existence. Pourtant, au moment de commettre l’acte fatal, elle se ravise et décide de donner naissance à une petite fille. C’est cette dernière qui raconte, avec ses yeux d’enfant, son propre miracle, l’absence d’une maman ou ses rêves d’évasion.
Virginie a-t-elle été délibérément abandonnée par sa mère ou bien confiée à sa mamie sous la pression familiale ? Les premières pages de Clandestine mettent habilement en scène ces deux versions différentes, renforçant le sentiment que la réponse est capitale pour l’équilibre d’une gamine de 4 ans. Puis, le récit prend une tout autre tournure, celle du quotidien de Virginie, élevée par une arrière grand-mère acariâtre, de ses jeux solitaires et de ses amis imaginaires. La vie d’une enfant presque comme les autres en quelque sorte, si ce n’est qu’elle est tenue à l’écart du monde extérieur, afin d’éviter les médisances.
En choisissant de rendre son récit universel, afin que chacun puisse y puiser sa part de souvenirs, l’auteure déshabille sa propre histoire. Malgré de trop rares moments émouvants ou saisissants, les rêves et les pensées de la fillette ressemblent à ceux de nombreux autres bambins de son âge. Même la narration très poétique qui s’en dégage finit par lasser, devenant presque synonyme d'ennui. Le lecteur aura certes l’occasion, parmi les 200 pages que comporte l’album, de sourire devant les facéties de Virginie ou de se moquer du puritanisme excessif de sa mamie, sans que son intérêt ne soit véritablement suscité. Non. S’il faut trouver une originalité à ce premier tome, c’est sans doute dans le travail de Marc-Rénier qui a troqué son trait réaliste pour un style en noir et blanc beaucoup plus lâché, très épuré. Le dessinateur de Black Hills 1890 parvient à donner beaucoup de légèreté au récit, sans pour autant tomber dans la mièvrerie ou la caricature.
La suite de Clandestine devrait mettre Virginie face à ses différences, avec son entrée à l’école. L’occasion, peut-être, de personnaliser un tant soit peu une histoire qui a, pour l’instant, du mal à éclore.
Les avis
Erik67
Le 24/11/2020 à 15:12:56
C'est une bd où l'on ressent sur 200 pages toute la souffrance d'une petite fille de 4 ans qui est élevée par une arrière-grande-tante en Normandie. C'est la souffrance d'avoir été abandonnée par sa mère qui a accouchée en étant trop jeune dans les années 70 d'avant la loi Veil. La petite fille se sent comme une clandestine dans un monde qu'elle ignore. Elle tente d'apprendre pour comprendre. Elle se crée même un monde imaginaire en donnant vie aux choses.
L'auteur nous raconte son histoire personnelle. On ressent beaucoup de tristesse et de mélancolie. Personnellement, j'ai ressenti beaucoup de compassion. On ne peut pas savoir ce que c'est quand on n'a pas été élevé par une mère et un père. D'ailleurs, cela ne devrait pas exister...
L'album est beaucoup trop long et semble s'apesentir sur les mêmes idées. On n'a pas l'impression d'avancer dans un cheminement psychologique. Pourtant, nous n'en sommes qu'à la première partie. La poésie semble combler les vides qui s'accumulent. Cependant, cela ne suffit pas pour échapper à l'ennui qui guête. Néanmoins, on ne pourra qu'être touché par la sincérité des sentiments qui se dégagent d'une enfance peu enviable.