«
La Cigale a classé, rangé, estampillé,
L’ordre et les consignes, elle a respectés.
Le temps de la restructuration étant arrivé,
Malgré son travail bien organisé,
Ses patrons l’ont virée. »
Plus illustrateur qu’auteur de bande dessinée per se, Shaun Tan s’est révélé au public européen en 2007 avec Là où vont nos pères, une histoire poignante ayant comme sujet l’émigration. Il est également l’auteur de nombreux livres jeunesse et a même reçu un Oscar pour la version animée de La chose perdue en 2010.
Avec Cigale, Tan prend à son compte la célèbre fable d’Ésope et Jean de la Fontaine et la retourne complètement, morale comprise. Première surprise, à l’inverse de sa cousine des champs, celle-ci est une bosseuse acharnée. De plus, le fait de s’être amendée ne l’a pas rendue populaire et ses collègues la martyrisent fréquemment. Dernier détail, il n’y a pas de fourmi dans la ville gigantesque où est située l’anonyme entreprise au sein de laquelle elle s’active jour après jour.
Malgré son estampille « Gallimard Jeunesse », le récit n’a rien d’une récréation. En effet, les visions de Kafka rencontrant les joies du néo-libéralisme, le scénario ne respire pas la gaieté de vivre. De plus, la palette gris béton du dessinateur penche plus vers les tonalités de M.C. Escher que celles de Loïc Jouannigot. Cela dit, la réalisation est impressionnante par sa force d’évocation. Textes minimalistes, à la limite du haïku, et extraordinaires illustrations pleines pages se font face, s’interrogent et se répondent. Résultat, la lecture se fait méditation tandis que les métaphores inondent l’esprit.
Les temps sont désespérés, mais la cigale peut être moqueuse. Elle sait ce qui l’attend et les hommes n’y auront pas droit. Tik Tik Tik nananère !