Résumé: Bladon, Lancashire, 1894. Clementine Harper, 20 ans, tombe amoureuse de Winston Churchill, même âge. Ils sont voisins mais un monde les sépare : « Winnie » appartient à l’une des plus prestigieuses lignées anglaises alors que Clem n’est que la fille du maquignon local.
De l’avis général, elle n’a aucune chance. Pourtant, balayant ces conseils de sagesse, elle se lance dans le journalisme pour attirer l’attention du jeune noble, tout en suivant les péripéties de celui qui devient à la fois grand reporter, officier, écrivain, politicien et dont les défauts – orgueil, misogynie, ambition, démesure… – ne parviennent pas à rebuter.
F
in du XIXe siècle, Clementine Harper a le béguin pour son voisin, Winston Churchill. Tous deux ont une vingtaine d’années. Romantique, elle se montre prête à tout pour gagner le cœur de celui qui est promis à de belles carrières militaire et politique. Dans un monde où les seules options professionnelles qui lui sont offertes sont la cuisine, le ménage et le changement des couches, elle tente d’attirer son attention en s’illustrant dans un domaine jusque là réservé au sexe fort, celui du journalisme. Parmi ses faits d’armes : elle se fait interner dans un asile psychiatrique pour témoigner des mauvais traitements dont sont victimes les patients, puis est nommée correspondante de guerre en Afrique du Sud. De temps à autre, son destin croise celui du futur premier ministre.
C’est par le petit bout de la lorgnette que Frank Giroud présente les balbutiements du mouvement féministe britannique. Un combat qui n’appartient pas uniquement à l’héroïne, mais également à sa tante Eleonore, laquelle a choisi de ne pas dépendre d’un mari, à son père qui l’encourage et la soutient, sans oublier les rédacteurs en chef de journaux ; d’abord réticents, ces derniers finissent par lui confier la plume. Sa démarche a évidemment ses opposants, par exemple sa mère toujours prompte à lui reprocher ses choix non orthodoxes et les concierges qui refusent de lui louer un appartement si elle n’a pas la permission de son époux ou celle de son parent. Au final, et c’est pourquoi le scénario est fascinant, le bédéphile ne sait trop si la journaliste a fait tout cela pour elle, pour les femmes… ou pour obtenir l’affection de l’homme d’État en devenir.
Avec son dessin réaliste, Andrea Cucchi réussit de jolie façon ses débuts en bande dessinée. Servies par un trait élégant, ses illustrations sont particulièrement variées : gros plans, plans d’ensemble, plongées, contre-plongées, éléments sortants du cadre, etc. Tout cela sans étourdir le lecteur et sans interférer avec la fluidité de la narration. Parmi les bémols, certains visages, notamment celui de l’actrice principale, qui manquent parfois de naturel. Enfin, Elvire de Cock propose une mise en couleurs tout en retenue ; la coloriste adopte en effet des teintes sobres pour donner au projet l’allure d’un vieil album de photos.
Un récit intéressant inscrit dans une société qui s’apprête à prendre un virage majeur. Une histoire dans laquelle Winston Churchill est finalement accessoire, même si le livre porte son nom.
Les avis
Erik67
Le 30/08/2020 à 13:09:12
D'abord les critiques négatives afin d'évacuer vite ce qui ne va pas selon mon humble avis. Le traitement des personnages notamment de l'héroïne fait parfois trop cliché. J'avoue également que le dessin ne donne pas un rendu impeccable voir précis des visages des différents protagonistes.
Au rayon des bonnes nouvelles, j'accorde finalement un 4 étoiles car cette relation imaginée entre cette femme qui va devenir une journaliste reporter et le jeune Winston Churchill qui est entrain de construire sa légende en cette fin de l'ère victorienne m'a convaincu tout en me séduisant. Il n'en faut parfois pas plus.
J'ai également aimé la fin qui détruit un peu la légende de ce Winston qui est si souvent mis à l'honneur en oubliant ce qu'il a fait par exemple au Soudan. Après il sert de prétexte à nous montrer surtout une femme qui va se battre pour la cause féminine dans une Angleterre assez réfractaire. Pour autant, ce pays a accordé le droit de vote aux femmes en 1918 alors qu'il faudra attendre 1945 en France.
A noter qu'il s'agit de l'une des dernières oeuvres de Frank Giroud, ce scénariste prolifique, qui s'est malheureusement éteint durant l'été 2018. Il faisait parti de mes auteurs préférés car dans mon genre de lecture.