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endant un an, Fifi a tenu et publié un journal sur le site de L’employé du moi. Le quotidien de l’auteur dessinateur est aujourd’hui livré sous la forme d’un recueil de 416 pages qui alternent états d’âmes et angoisses face à la page blanche et sa quête acharnée du gag, doute d’un trentenaire face à son hygiène de vie (ce qu’il ingurgite, sa capacité à être fatigué et à avoir la tête dans le c.. notamment) mais aussi quelques « Secrets de la BD » et autres natures mortes de fournitures de bureau.
Bon sang que c’est difficile d’avoir une opinion tranchée, définitive, impartiale à propos de ce type d’album. Le défi est là : sortir une planche par jour en s’inspirant de ce qui se passe (ou ne se passe pas) dans la journée d’un auteur de BD. Si possible en faisant rire. En gros, faire de l’autobiographie au fil de l’eau en s’assurant la fidélité du lecteur, sa complicité aussi, sur un ton léger, en intégrant une donne dose d’autodérision sans renoncer à sa respectabilité. C’est fort. Celui qui réussit cette prouesse et dont l’exploit survit au passage sur papier mérite probablement une statue. Suffisant pour inspirer une admiration sans bornes ?
Fifi s’en sort avec les honneurs, d’autant que comme lui, le lecteur est d’humeur fluctuante. Selon le moment où il aura Chroniques wallonnes entre les mains, son avis pourra varier (chapeau à celui qui lirait tout d’une traite, enfin chapeau…). Afficher un franc sourire à la découverte de l’énième épisode d’un running gag un jour, et rester impassable au suivant, ni meilleur ni moins bon, le jour d’après. Apprécier le matin qu’une agrafeuse ou un perforateur valent bien, par un dessinateur liégeois, la poire ou la grappe de raisin du Caravage, et se lasser le soir des péripéties du trousseau de clés. Etre charmé par les extérieurs d’une ville qui parait grise et pluvieuse en toutes saisons tout en regrettant que l’auteur déambule en ses rues (il en fait le constat lui-même, il marche beaucoup) sans sortir les mains de ses poches (bien dessinées par ailleurs). L'empathie qu'il inspire le distingue au moins de nombre de ses congénères qui ont emprunté la même voie qui plus est sans avoir un coup de crayon aussi convaincant. Son côté hypocondriaque, ressort comique qui produit toujours son effet, en rappellera d’autres, passés eux-aussi maîtres en « petits riens » et sa faculté à l’autobiography également, ce qui n’est pas peu flatteur.
Verre (de Cara Pils) à moitié vide ou à moitié plein ? Pleins d’anecdotes, de brèves tranches de vie, de tentatives plus ou moins couronnées de succès de trouver un gag qui fonctionne, ce qui n’est déjà pas si mal. Suffisant en tout cas pour être tenté de retrouver l’auteur dans un autre exercice.