Résumé: Quand la BD frôle les frontières de l'intime...
Francine R. est arrêtée avec sa soeur par la Gestapo à Pouilly-sous-Charlieu, dans la Loire, le 6 avril 1944, pour les faits de résistance de leur frère Joannès. De là, elles partiront dans un convoi de femmes puis elles seront séparées : sa soeur expédiée en camps de travail à Hanovre ; Francine à celui de Wattenstedt dans les usines d'armement Herman Göring. Tout au long de son parcours, rien ne lui sera épargné : frappes dès son arrestation par la Gestapo, humiliations continues, trajets en train dans un wagon à bestiaux, accueil par des chiens loups sur le quai de la gare du camp de concentration, expérience médicale, déshabillage des morts, pillage des vivants, travail forcé... Mais aussi, la permanence de l'espoir de sortir vivant de cet enfer, la lumière de deux hommes, un français et un algérien croisés à Wattenstedt, le sabotage du travail à la chaine, l'émotion à la libération du camp, la première nuit dans un vrai lit, le 14 juillet de la libération à Paris.
Francine a évoqué tout cela en détail à Boris Golzio dans un long entretien. Longtemps resté avec cette matière entre les mains, l'auteur décide aujourd'hui de retranscrire cette parole dans un récit de bande dessinée dont le dessin se fait le plus neutre et naïf possible afin de rendre l'horreur supportable. Un récit où le texte n'est composé que par la voix de Francine, dans son langage à elle, brut, fait d'hésitations, de répétitions et de tremblements, afin de respecter la vérité ontologique de ses propos et de rendre compte de la meilleure manière possible ce que fut la vie de cette femme. Une résistante, déportée, parmi des milliers d'autres, mais dont chaque voix, chaque parole est unique et doit être sauvée de l'oubli.
C'est une œuvre que je ne lierais pas une deuxième fois tant le sujet traité est difficile émotionnellement. La vie des résistantes françaises qui ont été déportés dans les camps de concentration en Allemagne est en effet assez éprouvante. On va s'intéresser à Francine et sa sœur qui ont été arrêté par la Gestapo avant d'être envoyé à Ravensbrück.
L'auteur Boris Golzio avait tout d'abord recueilli son témoignage oral à la fin du XXème siècle avant de laisser passer beaucoup de temps pour mûrir son projet. Il a reproduit en voix off celle de Francine qui s'exprimait avec ses mots ce qui rend ce témoignage encore plus authentique. Dommage d'avoir garder cela aussi longtemps dans les tiroirs.
Il est vrai qu'il y en a qui disent qu'elle a exagéré son propos mais l'auteur nous prouvera que c'est totalement faux. C'est malheureusement la triste vérité qu'il tient à partager avec les générations futures.
Je sais que les nazis n'ont pas fait dans la dentelle. J'ai été baigné par le film de Steven Spielberg (La liste de Schindler) ainsi que celui de Roman Polanski (Le pianiste) sur le sujet de la déportation. J'ai déjà lu « Maus » et bien d'autres œuvres. Cela me fait toujours un pincement au cœur devant autant de barbarie inhumaine.
Les derniers témoins direct de cette sombre période sont entrain de disparaître petit à petit. C'est certes un témoignage de plus, mais qu'il ne faut pas oublier car c'est tout aussi poignant.