Résumé: Quand la vengeance pousse comme la mauvaise herbe entre les pavés Qui pourrait se douter en la voyant que la Chenue na pas perdu la tête, mais que malgré son vieil âge, un désir puissant de vengeance lanime ? Son arrière-petite-fille, Caroline, voudrait profiter des plaisirs de son âge dans les bras de Christophe... Comment pourraient-ils savoir que leur insouciance paraît indécente à leurs familles, quand le secret est la vertu la mieux partagée ?Ne vous fiez pas à la douceur du trait de Sébastien Corbet ! Djian nous emmène au petit théâtre des rancurs, avec cette histoire au suspense particulièrement bien mené, basée sur un texte de Didier Convard. Un divertissement jouissif et glaçant, autant quune réflexion sur la famille, ses liens indéfectibles et son poids parfois trop lourd à porter.
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Dans ma chambre », trois petits mots, les derniers que la Chenue a prononcés, glissés par mégarde à l'oreille de son arrière-petite-fille, Caroline, alors qu'on évacuait le corps de son mari, le Macheux. De sa fenêtre, la vieille l'a vu, le vieux se fracasser le crâne en glissant sur l'escalier du jardin. Depuis, elle reste coite avec son regard fou et ses dents serrées à retenir le moindre souffle de vie qui s’échappe. De son côté, dans le grand domaine vigneron, le père Lorey reçoit des lettres anonymes immondes menaçant son gamin. Et l'alcoolique Vergindante qui furète autour de la maison vide de la Chenue en sait beaucoup, depuis longtemps. Dans un village anonyme, les Lorey et les Massot se détestent depuis quatre générations pour des raisons inconnues. C'est sous fond d'amourette estivale que Caroline et Christophe, les adolescents des deux clans, vont essayer de dénouer cet écheveau de vieilles rancunes alors que dans l'ombre, le sinistre mécanisme de la vengeance est déjà enclenché.
Trop en dire serait gâcher le potentiel très nourri du récit. La Chenue fait partie d'une catégorie de bandes-dessinées qui se fait rare, à l'heure où le graphisme prend le pas sur le scénario, jusque parfois en être le seul argument. En effet, le texte a une construction atypique puisque c'est la reprise d'un manuscrit qui dormait et se bonifiait depuis quatre décennies dans l'armoire de Didier Convard. Dès la moitié du récit, tous les indices ont été donnés, le tour de force consiste à tout remettre dans l'ordre. C'est un puzzle complexe qui demande un effort de concentration de la part du lecteur comme des jeunes héros. À travers un décor bucolique qui rappelle la nostalgie des vacances d'été, les secrets familiaux sont mis à nus, sordides et pathétiques tant les motifs de cette guerre larvée paraissent au final dérisoires. La laideur de l'humain contraste avec l'ambiance paisible du dessin. Nul n'est innocent dans cette sale histoire, à part peut-être la Maryse, la première victime. Les personnages sont très développés jusque dans leurs manies, leurs pensées et leurs travers qui les rendent effroyablement vivants.
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 18:12:29
La lecture de ce récit sur les secrets de famille dans la campagne profonde a été fort divertissante avec un dessin que j’ai fort apprécié. L’originalité vient du fait que cela va se jouer sur deux plans : la génération passée et la génération future dans un même présent. Les flash-back ne seront pas très nombreux. J’avoue avoir quand même eu du mal à comprendre tous les rouages de cette histoire, là où Giraud réussit parfaitement dans la collection Secrets chez Dupuis.
Comme dit, il y a tous les ingrédients d’un bon polar à commencer par des lettres anonymes qui menacent la jeune génération. On se rendra compte que c’est plutôt les vieux qui nous pourrissent encore la vie. Dans un village clos, cela ne pardonne pas. Les terres agricoles ont souvent donné lieu à des passions dévastatrices. On n’échappera pas à la règle une fois encore. Rancœur, quand tu nous tiens…
Au final, on quitte ce roman avec un léger pincement au cœur car on aurait aimé que cela se termine autrement. Cependant, jusqu’à preuve du contraire, c’est toujours l’auteur qui est aux commandes. En l’occurrence, il s’agit d’une veille nouvelle que Didier Convart avait laissée dans sa cave et que Jean-Blaise Djian va adapter.
J’aime de toute façon les histoires qui cachent de terribles secrets de famille entre les silences profonds et malsains et les sous-entendus mystérieux. Le cadre est certes bucolique pour des vacances estivales mais cela fleure bon le purin. Bref, une saga campagnarde d’une violence morale à toute épreuve.