Info édition : Couverture imitation cuir à bord arrondis. Code barre collé sur le 4e plat.
Résumé: C’est la chute d’une météorite qui serait à l’origine des étranges phénomènes qui agitent la Lande Foudroyée dans la région d’Arkham. Depuis, c’est la nuit que cette énigmatique couleur se propage lentement, souillant tout ce qui l’entoure : d’abord la flore, puis la faune jusqu’à l’homme, ne laissant derrière elle qu’abomination et putréfaction…
U
n jeune architecte de Boston réalise des relevés topographiques de la Lande Foudroyée en vue de la construction d’un barrage. Il est abasourdi par la végétation qu’il observe. Des troncs d’un diamètre peu commun, enchevêtrés et tous dépourvus de vie. La mission du géomètre l’amène à se renseigner auprès des habitants de la vallée et l’unanimité de ses hôtes le surprend. L’édifice ne serait pas un mal pour ce territoire désolé, surtout lorsqu’il sera enfin enfoui sous les eaux. Fureteur, l’intrépide rencontre également le vieux Ammi Pierce dont les villageois racontent qu’il a perdu la tête. Seulement, d’une belle élocution, l’ancien raconte les terribles évènements survenus cinquante années auparavant.
Les récits de Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) ont profondément influencé le milieu artistique. Des cinéastes aux musiciens, nombreux sont les artistes qui se revendiquent du père de la terreur. Les tentatives d’adaptations sont donc légion, et les échecs ne sont pas moins pléthoriques notamment en raison du fait que l’écrivain articule des descriptions autour de phénomènes indicibles. Or, les arts d’images, le septième comme le neuvième, montrent là où, intrinsèquement, il conviendrait de suggérer. C’est aussi là que réside la force de Gou Tanabé qui a admirablement interprété Les Montagnes Hallucinées et Dans l’Abîme du Temps. La technique graphique du dessinateur lui permet de monter l’intensité des noirs afin de cacher l’horreur au cœur de la pénombre, tout en n’affectant pas à la compréhension des scènes. Il opte en conséquence pour l’évocation de la peur, alternant astucieusement les plans larges contemplatifs avec des cadres serrés sur les yeux écarquillés de ses protagonistes. L’ensemble installe une tension savamment alimentée par le rythme de la narration. Et même si l’illustrateur intercale sa vision de l’indescriptible, ses esquisses gothiques donnent à voir sans réellement représenter.
Auréolées du fauve de la série au festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2020, les éditions Ki-oon proposent un nouvel opus au sein de la collection Les Chefs-d’œuvre de Lovecraft par Gou Tanabe. The Colour Out of Space a été écrit en mars 1927, et publié en septembre de la même année dans Amazing Stories. Ce conte se découvre à l’intérieur d’un écrin somptueux. Une couverture imitation cuir, bleutée, agrémentée d’une illustration sobre en tampographie, encadre une chronique qui convoque les grandes thématiques de l’auteur de Providence. Partant, une menace originaire de l’espace intersidéral produit ses effets à partir des tréfonds de la terre. L’espèce vivante et menaçante est une couleur absente du spectre visible et à compter de son arrivée sur la planète bleue, la clarté s’atténue sur la friche. Cette dichotomie est merveilleusement captée par le trait du mangaka qui organise progressivement l’obscurité jouant des trames et de succession d’aplats de gris, de plus en plus puissants. La queue de l’astre pénétrant l’atmosphère est peu assombrie, alors que la flore opulente qui s’étale est davantage encrée. Au final, le blanc du papier se raréfie et l’unique source de lumière irradie le fond du puits contrastant avec la pierre noire qui regorge de moisissures et d’humidité. Par nature immatérielle, la « créature » peut survenir n’importe où. Et, la luminosité s'amenuisant toujours davantage, vous ne la verrez pas surgir !
Cette histoire complète s’apprécie indépendamment des précédents volets. En découvrant ce tome, les néophytes ne perdront pas une miette des enjeux tout en étant envoûtés par les merveilleuses double-planches et autres pleines pages qui accompagnent l’intrigue. Les familiers de l’œuvre originale, ou de l’entreprise de transposition au format manga, retrouveront, quant à eux, un plaisir de lecture oppressant aux ramifications subtiles. Finalement, à destination des curieux qui n’osent pas sauter le pas, sachez que Richard Stanley a adapté la nouvelle dans un long-métrage sorti le 24 janvier 2020 aux États-Unis, et proposé à l’affiche cette année, en France.
Bien que La Couleur tombée du ciel ne soit pas la fable préférée des aficionados de H.P Lovecraft, ni la meilleure production de Gou Tanabe, cette parution est un must have. En harmonie avec son sujet, l’artiste japonais subjugue, une fois encore, par la finesse de ses détails qui tiennent de la minutie des estampes de Charles Damour (Pêcheurs à marée basse d’après Bonington, 1852), des gravures d’Alfred Rethel (La mort comme assassin, 1851) et des eaux-fortes de Carl Wilhelm Kolbe (Paysage avec joueur de lyre et fontaine, 1803) !
Les avis
Yovo
Le 16/12/2020 à 21:31:24
Une lecture presque perturbante. Les talents croisés de Lovecraft et Tanabe procurent un sentiment de malaise qui ne fait que croitre au fil des pages et laisse un goût tenace de tristesse et d’horreur. A partir d’un postulat très mince (la simple chute d’une étrange météorite), les 2 auteurs parviennent à dialoguer à plus de 80 années de distance pour livrer une œuvre puissante et formellement superbe.
kingtoof
Le 12/04/2020 à 15:51:00
Une adaptation fidèle à la nouvelle de Lovecraft, que j'ai relu avant de me plonger dans ce manga.
En tout cas bien meilleure que l'adaptation cinématographique sortie en 2019 avec Nicolas Cage, pour laquelle j'avais beaucoup d'attente.
Bien content de fêter mon 900ème avis sur ce site avec Howard Phillips !
denbass44
Le 22/03/2020 à 19:31:22
L’histoire n’est peut être pas la plus palpitante de Lovecraft, encore que ce n’est pas de l’eau de rose loin s’en faut, mais le travail de Tanabe est juste incroyable. Pour en profiter pleinement, je recommande de le lire sous un éclairage assez fort et avec lumière blanche ou celle du jour. Ce n’est que dans ces conditions que l’on peut apprécier pleinement la maîtrise des mises en perspectives, des reliefs et la mise en abîmes.