Info édition : Avec un carnet d'entretien avec Pernette Perriand de 42 pages en fin d'ouvrage.
Résumé: Juin 1940, à bord du Hakusan Maru, Charlotte Perriand quitte la France. Endormie dans sa cabine, elle fait un cauchemar. Le Corbusier, sous les traits d’un corbeau, lui fait des reproches : « Tu auras tout le temps de méditer le mal que tu m’as fait.»
En route vers le Japon, cette architecte avant-gardiste et non conventionnelle va vivre une période fondamentale dans sa vie. L’immersion dans la culture et les traditions nippones sera pour elle une véritable révélation.
Cette expérience lui permettra de développer sa vision de l’architecture d’intérieur : réformatrice, alliant tradition et modernité, adaptée au confort et à la vie moderne.
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n 1927, Charlotte Perriand expose Bar sous le toit au Salon d'Automne. Cette œuvre lui ouvre des perspectives professionnelles et notamment une place dans l’atelier de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret. Plébiscitée par ses pairs, après quinze années de carrière, elle part pour le pays du Soleil levant à l’invitation du ministre de Commerce et de l’Industrie. De 1940 à 1942, la néo conseillère pour l’art industriel japonais s’immerge dans la culture asiatique. Elle soutiendra la création de meubles contemporains et épurés tout en valorisant le savoir-faire des artisans locaux et l’utilisation de matériaux traditionnels. Alors que ses prédécesseurs ont vainement tenté d’imposer une vision européenne du design, cette femme, forte et indépendante, réussira à influencer durablement les bâtisseurs nippons.
Charles Berberian rend hommage à une réformatrice de l’architecture d’intérieur au destin incroyable. Alpiniste amateure, politiquement engagée, voyageuse endurcie, elle a été une pionnière dans la prise en compte du vide comme structure du confort. De retour en France au début des années cinquante, elle poursuit son travail signant l’aménagement et l’équipement de la Maison de la Tunisie, du Mexique et du Brésil, de la rénovation du Palais des Nations unies à Genève ou encore de la Maison de Thé à l’Unesco. En quatre-vingt-seize ans d’existence, cette créatrice aura marqué sa discipline et influé bien au-delà.
L’auteur pointe son regard sur un voyage de près de deux ans. Il décide de faire abstraction de son militantisme, qui a pourtant construit la conceptrice. Il prélève des événements rapportés et romance la vie de cette avant-gardiste, bien aidé par une bibliographie fournie. Les ellipses sont organisées pour former une unité, mais le scénariste ne peut éviter la sensation de la bande dessinée « catalogue ».
Sa ligne claire, connue et reconnue, s’exprime sur un papier beige. Il crée des volumes en matérialisant des ombres portées au crayon ou au lavis. Les premières séquences sont plutôt froides, son personnage a besoin d’un renouveau. Puis, le bleu se lève pour répondre à l’irruption du sourire sur le visage de son héroïne. Simple et efficace, l’aquarelle est parfois mouillée jusqu’à l’accident. La couleur bave pour mieux représenter la nature en mouvement et, de temps à autre, l’impression laisse découvrir le grain du papier.
Ce petit format, relié, aux pages épaisses et confortables, est destiné aux connaisseurs de l’icône, aux admirateurs du dessinateur ou encore aux petits curieux. Agrémenté de belles illustrations et d’un entretien éclairant, ce livre est le témoignage de l’estime d’un artiste envers une virtuose.
Pour ceux qui auront aimé le voyage, noté que, du 2 octobre 2019 au 24 février 2020, la Fondation Louis Vuitton propose une ballade dans Le monde nouveau de Charlotte Perriand.
Les avis
Erik67
Le 06/12/2023 à 08:45:31
Charlotte Perriand est une architecte, designer et photographe française ayant vécu au siècle dernier. Je ne le savais pas avant de lire cette BD qui lui consacre une belle biographie pour lui rendre hommage.
On va surtout intéresser à sa période japonaise entre 1940 et 1942. C'est vrai que le timing de cette voyageuse n'est pas très bien observé sachant que le Japon impérialiste a déclaré la guerre à l'Occident peu après son arrivée pourtant voulu par un officiel du ministère. Elle terminera son séjour sous liberté surveillée alors que le Japon entre en guerre.
Visiblement, elle a été une collaboratrice du célèbre le Corbusier qui lui fait d'ailleurs des reproches dans un cauchemar qu'elle fait en début d'aventure sur le bateau en partance pour le Japon. Il faut savoir que ce n'était pas vraiment une architecte d’immeubles ou des gros ouvrages comme on pourrait le penser mais plutôt une architecte d'intérieure.
Je ressors de cette lecture plutôt déçu car sa personnalité manque véritablement d'empathie. Par ailleurs, cela se concentre sur une période très courte de sa longue vie ce qui ne permet pas de cerner tout l'apport de cette architecte avant-gardiste.
Je retiens néanmoins qu'elle fut une véritable amoureuse de la culture japonaise qu'elle se souciait de préserver face à la déferlante de mauvais goût occidental. A noter qu'il y a également un réel effort au niveau du graphisme pour nous présenter un bel ouvrage. Bref, tout cela compense un peu.