S
on papa est prestidigitateur. Le prochain contrat qu'il espère décrocher devrait leur permettre de s’offrir des vacances… gratuites. Seulement l’habit qu’on lui propose de revêtir n’a pas grand-chose à voir avec celui de Mandrake. En fait, rien à voir du tout. Finalement l’amour du fils l’emporte sur l’amour-propre et le costume de mascotte publicitaire, il s’y fera le papa. Le temps a passé mais cet épisode est toujours ancré dans la mémoire du petit bonhomme devenu grand.
Julien Neel s’offre une parenthèse en laissant sa chère et unanimement plébiscitée Lou ! (Glénat). Le ton est différent, l’approche plus introspective, l’habillage moins pastel et sucré. Autre registre et nouvelle réussite. Les fils ont toujours du mal à parler de leur père et Chaque chose parvient à exprimer ces sentiments qui restent souvent tus jusqu’aux derniers instants ou qu’on laisse le soin aux non-dits et aux silences d’exprimer tant bien que mal. Les silences des personnages, les fondus et les transitions entre les évènements, les allers-retours entre passé et présent, les quelques surprises qui sont réservées au lecteur, tout participe à l’expression pudique de ces émotions qui façonnent une personnalité. Le thème de la fidélité en amitié qui résiste au temps est lui aussi joliment exposé.
D’un point de vue graphique, Chaque chose permet de découvrir une autre facette du talent de Neel. Ici point de plastique parfaite et d’ambiance acidulée, les tons sont plus neutres ou sombres, le trait moins poli, plus humain peut-être. Sans qu’il soit nécessaire de préférer un style à un autre, la tendresse tenant lieu de point commun principal entre les deux créations. En matière de réalisme, les enfants des années 70 auront probablement des frissons lorsqu’ils retrouveront l’ours Butagaz (qui n’a pas eu son porte-clés à l’effigie du célèbre plantigrade bleu et blanc ?) ou la coupe de cheveux du père avec cette nuque assez longue et ces pattes généreuses, pour ne reprendre que deux exemples évidents.
La collection Bayou de Gallimard avait révélé au grand jour le talent de certains auteurs (Abouet et Oubrerie avec Aya de Yopougon, Durbiano avec Orage et Désespoir, Dupré La Tour avec Capucin), elle offre cette fois la possibilité à une valeur sûre de s’émanciper de son personnage fétiche pour surprendre et se consacrer à une parenthèse plus personnelle. Encore !
Les avis
Erik67
Le 19/11/2020 à 19:20:20
Chaque chose doit être à sa place, chaque chose compte disaient les anciens. Julien Neel, auteur de la série prolifique Lou ! a su trouver les mots pour retranscrire les vacances inoubliables qu'un petit garçon a passées avec son père. Le petit garçon a grandi et se trouve être au chevet d'un père mourant. On s'aperçoit que l'auteur qui change de registre a pu bien s'adapter en étant moins dans un style sucré doré.
L'humour est tout de même présent à petites doses comme ce médecin qui aurait pu très bien jouer dans la planètes des singes. Le thème principal reste l'amour filial comme l'hommage d'un fils à son père. J'avoue qu'on referme cet ouvrage avec beaucoup de nostalgie. A noter également une excellente mise en scène. Bref, un auteur de talent qui promettait à l'époque et qui n'a manifestement pas déçu près d'une décennie après.
Lelf
Le 24/08/2008 à 18:48:58
Julien a toujours voulu faire une BD de Super-Héros. Mais nous, nous sommes bien content qu'il ait créé "Chaque chose".
Une tranche de vie entre enfance et présent, un fils qui parle de son père à plusieurs temps. Un beau dessin et de belles couleurs pour une ambiance nostalgique mais pas vraiment triste. Des transitions très travaillées.
Le papa de "Lou" nous prouve avec un récit mature qu'il sait toujours faire passer l'émotion par ses oeuvres. L'optimisme se détache malgré la dureté des instants. Un petit bijou à lire et relire.
TexWiller
Le 21/10/2007 à 19:33:14
L'un des meilleurs one-shot de l'année.
Scenario introspectif avec beaucoup d'humour mais le thème principal est l'amour filial; le dessin sert bien l'histoire avec un beau changement des tonalités de couleur qui mettent en évidence les flash-backs.
Julien Neel: un auteur à suivre!
zaaor
Le 29/06/2007 à 14:06:03
Un bel hommage d'un fils à son père. Ayant perdu le mien l'été passé, je fus assez interpellée question sentiments et émotions. Le petit garçon a les plus beaux yeux des bd lues cette année. Pour être nostalgique...
poltuiu
Le 26/01/2007 à 01:09:48
Acheté au hasard parceque je ne connaissais pas l'auteur j'ai adoré le livre que j'ai dévoré.
Si les dessins et les couleurs vont parfaitement avec l'histoire il faut souligner l'excellente mise en scène avec les passages entre le souvenir de ces vacances un peu décalées et le présent, 25 ans après, alors que les protagonistes se recroisent dans des circonstances moins roses.