Résumé: Louis a huit ans. Il vit avec sa mère, Laurence, dans une morne banlieue normande, au début des années quatre-vingt. C'est un enfant solitaire et contemplatif. Il n'aime pas parler, il « préfère être seul, en groupe, il se sent stupide », il est le premier de sa classe, mais il ne sait s'il aime l'école ou pas, il s'ennuie...
Seul Eurasien de son quartier, il est en but au racisme ordinaire des enfants, des adultes aussi...
Sa mère, française, est infirmière dans un hôpital et travaille beaucoup. Elle pleure souvent aussi et Louis ne sait pas pourquoi. Il ne sait pas non plus qui est son père, où il est, ce qu'il fait ou a fait...
Louis traîne sa différence comme un étrange fardeau.
Laurence, visiblement tourmentée par la séparation d'avec le père de Louis, élude toute conversation à ce sujet. Pour tromper la solitude de son fils, elle lui offre un canari.
Peu à peu, un lien intime et secret se tisse entre l'enfant et l'oiseau. Louis est persuadé que l'oiseau connaît tous les secrets de sa famille, et il pense qu'il essaye de lui expliquer, de l'aider à trouver la vérité...
Avec son écriture précise et imagée, Loo Hui Phang signe un récit intimiste et sensible, basé sur sa propre histoire, où le secret familial se vit comme un héritage tragique.
Michaël Sterckeman, qui l'accompagne au dessin avec justesse et finesse, donne corps aux non-dits, et aux indicibles angoisses intimes et profondes d'un jeune enfant.
Un album tout en émotions
L
ouis est un jeune garçon solitaire dont les origines eurasiennes sont souvent le sujet de moqueries de la part de ses camarades de classe. Vivant seul avec sa mère, il ne sait quasiment rien de son père et aimerait bien percer le secret de cette absence paternelle. Le sujet étant classé tabou, il laisse libre cours à son imagination pour s’inventer des racines… jusqu’au jour où des amis cambodgiens viennent trouver refuge chez eux. C’est pour lui l’occasion de vérifier quelques indices récoltés au fil des années et d’en apprendre plus sur ses origines.
Indirectement touchée par la guerre civile déclenchée par les Khmers Rouges à la fin des années soixante, Loo Hui Phang s’inspire donc de l’histoire de sa propre famille pour livrer un diptyque qui aborde cette page sombre de l’Histoire du Cambodge. Cette mise en place invite à suivre le malaise d’un enfant dépourvu de repères essentiels et quotidiennement victime d’une différence que sa mère refuse d’expliquer. Se heurtant constamment au silence qui entoure ce lourd secret familial, il est obligé de trouver lui-même réponse à ses nombreuses interrogations. Se servant d’un canari comme principal interlocuteur, Louis partage difficilement ses angoisses et ses peines, tout en développant un monde onirique censé combler le vide laissé par le mystère qui entoure son père. Si le voile concernant ses origines ne se lève que très lentement, c’est avec beaucoup de justesse que l’auteur décrit la souffrance de l’enfant. Passant régulièrement du rêve à la réalité, la narration puise sa force dans les non-dits qui accompagnent le mal-être de Louis.
La mise en images très sobre de Michaël Sterckeman conforte le ton intimiste du récit. Un dessin noir et blanc assez minimaliste qui s’inscrit totalement au service du scénario. L’ancrage historique cambodgien n’étant qu’effleuré lors de cette mise en bouche, la conclusion de cette saga est donc attendue avec grand intérêt.