V
alentine vit seule chez sa mère. En cette matinée de rentrée, de son réveil à son arrivée au collège, le temps semble suspendu dans une espèce de torpeur, de celles qui précèdent l’entrée dans l’arène. Sans surprise, la cour est gagnée par l’effervescence propre à cette journée. Le groupe de copines de l’année passée est reconduit dans son intégralité, de Julie l’ingénue à Yamina, qui a beaucoup de la Leïla des Filles de Christopher, en plus jeune. Il y a aussi l’inévitable Emilie, plus au fait des garçons que de sa scolarité, ce qui lui vaut de briller dans cette micro-société. Alors que déjà, de manière imperceptible, les principaux traits de caractère de chacune se dessinent, la sonnerie résonne dans l’établissement. La troisième est lancée, avec tout ce que cette année charnière peut contenir comme promesses et désillusions…
Sans surfer sur la facilité glissante des excès, à laquelle il peut être tentant de céder pour évoquer l’adolescence, Vanyda offre un récit qui trouve son sel dans la normalité. Cette banalité, cet ennui sur lesquels Valentine, trop timorée, ne parvient pas encore à influer, si ce n’est dans ses rêves, portés avec une finesse remarquable et sans artifices. Et même dans ce contexte pourtant propice, elle a une propension à se laisser porter par les évènements et ce n'est pas sans signification. Alors, bien sûr, est abordé tout un panel de premières fois (flirt, clope, cuite et cours séchés), mais c’est amené avec intelligence et sans aucune mièvrerie grâce à une pertinente variation des vues. Cela est en partie le fait du travail de découpage qui, selon l’effet escompté, installe le lecteur soit dans le premier degré des visions chargées en émotions de Valentine, soit avec le recul et l’amusement propre à un observateur extérieur.
Exposées en quatrième plat, les couvertures des albums qui vont constituer le triptyque proposent trois positions et autant de regards. A l’image de la simplicité de cette composition qui annonce avec efficacité la couleur du contenu, il se dégage du trait, très inspiré des codes du manga, une très forte expressivité qui se suffit à elle-même pour dispenser la narration de toute voix-off et fonctionner en s'appuyant uniquement sur les dialogues, les silences et les regards. Ce choix renforce l'impact des heurts du rythme qui souligne le contraste existant entre l’agitation futile et fugace propre à la vie scolaire et le calme apparent qui envahit l’espace, une fois la porte de l’appartement fermée. L'ensemble est amené sans sombrer dans une quelconque caricature, tant dans le comportement des collégiennes que dans la relation de Valentine avec sa mère.
C’est l’histoire d’une fille neutre comme la Suisse dont l’agitation cérébrale ne parvient pas encore à s’exprimer. La scène où elle adopte la politique de l’autruche lors d’une séance de piscine est éloquente. Il y a presque une part de hasard dans sa présence au sein de ce groupe, comme si celle-ci était le résultat d’un concours de circonstances et non pas parce que l'adolescente n'y aurait pas sa place. Rien d’extraordinaire là-dedans, c’est normal… et la fin des cours, comme celle de la lecture, d’arriver sans prévenir. Le moment de se rendre compte que déjà et sans avoir l’air d’y toucher, Vanyda a avancé ses pions pour le tome à suivre Celle que je voudrais être.
Si par essence, son sujet en laissera certains à sa porte, Celle que je ne suis pas est avant tout une histoire agréable à lire, sans temps morts et truffée d’humour, qui témoigne du talent plus évident d'album en album de son auteur.
Les avis
yannzeman
Le 11/02/2016 à 22:25:03
A priori, je n'étais pas le lecteur type de ce genre de BD.
Une histoire de filles, en pleine adolescence, avec le lycée, les histoires de coeur... et moi qui atteint les 40 ans (au moment ou j'ai lu ces livres, au moment de leur sortie).
La rencontre de la carpe et du lapin.
Mais la magie opère, et j'adore cette "trilogie", ou plutôt cette histoire en 3 tomes.
J'avais déjà aimé ses précédentes bd-manga," l'année du dragon" et "l'immeuble d'en face" alors j'avais acheté "celle que je ne suis pas", mais en ayant l'intention de le lire du bout des doigts.
A ma grande surprise, j'ai dévoré ce livre (et les 2 suivants), car il m'a replongé en enfance, en adolescence, la vraie, pas celle des séries AB ou de ce que l'on peut voir à la TV en général.
Bien sur, c'est vu côté fille, et je n'en suis pas.
Mais c'est tellement bien écrit, dessiné, rythmé, ambiancé, que n'importe quel lecteur s'y identifiera, ou y trouvera des choses de son passé adolescent.
Je suis entièrement d'accord avec la chronique de F Mayaud, il est souvent plus facile de montrer l'adolescence sous un jour outrancier, excessif ; le tour de force de cette BD, c'est de nous montrer la normalité et d'en ressortir toute la substantifique moelle, jusqu'à nous accrocher.
En tout cas, moi, ça m'a plu !
Depuis, je guette chaque production de cette artiste à part.
wolfiz
Le 14/02/2013 à 10:14:00
Il est tard genre très tard et donc c'est le moment de faire un trois-contre-un, une critique 3x1 je veux dire; à quoi pensiez-vous encore ? Qu'il me manque deux doigts ?
La série "Celle que ..." nous permet de suivre l'histoire de Valentine en format triptyque édité en noir/blanc où en couleurs car j'ai cru comprendre que l'éditeur les ressorts en 6 volumes moins épais mais en couleurs. Je doute que ce soit fait juste pour le plaisir des yeux (le dieu $$ surement derrière cela) mais d’après ce que j’ai vu , c’est pas mal du tout et cela donne une autre ambiance (j'ai également mis une photo ^^)
Valentine est une fille qui est au lycée, en troisième ; Fille de divorcée, elle habite seule avec sa mère dans un petit appartement (ou dans tous les cas le papa est loin); Pure adolescente de sa génération, elle vit son quotidien avec sa bande de copines Emilie, Julie et Yamina la fan de manga. Ces préoccupations quotidiennes sont celles des filles de leurs âges : les garçons évidemment, les interdits tel que l’alcool, la cigarette et j’en passe ; c’est l’âge des découvertes ... Grâce à sa bande de copine, On suit comment Valentine va tisser ces différents liens sociaux, se construire, éclore tel une chrysalide avant de devenir un joli papillon, une femme.
La découverte de la cire à épiler (aïe, ça fait mal), le mec un peu craignos qui vous drague en vacances, les rendez-vous à la récré pour fumer une clope à travers un grillage, les premières disputes avec ces amies et parfois la prise de distance avec certaines qui sont trop exclusives ou élitistes ou qui n’évoluent plus avec vous. De nouvelles copines aussi comme Juliette la super danseuse de hip-hop ... et puis Félix, ce garçon qui l'intimide comme pas possible quand elle le voit ...
Vous l'avez compris (ou pas mais c'est pas grave sinon ça veut juste dire que t'es au fond de la classe ^^) ... c'est un chronique sur l'adolescence féminine qui est écrite et dessinée avec une justesse. La psychologie des personnages est finement décrite et l'on sent que l'auteure à vécue la chose , qu'il y a un petit quelque chose d’autobiographique. L’évolution jusqu’à la maturité, celle qui nous rend plus grand(e) et le tout exprimé avec retenue.
Découpé en trois volumes d'une 100aine de pages chacune pour en faire une jolie trilogie, on découvre dans le premier volume ce qu'el n'est pas, le deuxième ce qu'elle voudra être et finalement ce qu'elle sera.
Cela plaira aux filles en fleur, aux ados, aux adultes aussi et toute personne qui aura une fibre un peu féminine où curieuse. J'ai été étonné d'avoir aimé cette bd alors qu'au final il y a pas de baston, de méchant, de quête etc ... c'est juste beau, ça se laisse lire et c'est criant de vérité. Une belle page à mon gout qui sonne très vrai et je suis sure que pas mal de fille vont dire "dingue, c'est exactement moi!".
Graphiquement, on ne saurait nier que Vanyda (rien à voir avec Veronique et Davina) à un style très manga avec une pointe de bd franco-belge, on peut être aussi perturbé au début par l'utilisation du tramage de gris qui choque un peu mais on s'y habitue rapidement, mais cela choque tout de même quand on ne s'y attend pas ;)
De beau moment de plénitude, de calme, de vide. C'est simple, c'est beau, c'est vrai ... A lire, même si vous avez l'âme d'un poteau télégraphique ou si vous êtes fan de Steven Seagal.
Evidemment, voici l'avis de ma warrior de fille qui a lue les trois volumes (avalée j'aurai pu dire) :
C'est bien mais c'est pas très bien dessiné, c'est pas comme les mangas. Mais j'ai beaucoup aimé :)
http://lacasebd.overblog.com/celle-que-je-suis
vacom
Le 17/05/2008 à 18:12:05
Je ne suis pas tout de suite rentré dans l'histoire, sûrement par peur d'une simple série pour ados sans charme et sans signature, puis je me suis laissé guider et charmer par tous les personnages mis en scène. Ce qui marque, c'est la crédibilité et le naturel de l'ensemble : les relations entre ados, les sentiments qu'ils éprouvent, leur façon - différente pour chacune - de découvrir la vie et de réagir aux moments parfois difficiles... et surtout leur façon de parler, parfaitement rendue et sans exagération. C'est une histoire qui se déroule d'elle-même, qu'on lit en prenant son temps pour apprécier chaque petit événement de la vie des héroïnes. Des événements sans réelle importance pour le monde mais d'une importance cruciale pour elles. Personnellement, "Celle que je ne suis pas" m'a rappelé beaucoup de souvenirs. Parfois parce que j'ai ressenti les mêmes sentiments que certains des personnages à leur âge, parfois parce que j'y ai reconnu de vieilles connaissances. Je suppose que c'est ça qui fait la force d'une histoire qui a pour cadre la vie réelle. Un dernier mot sur la mise en scène : dessin sobre et élégant, cadrages impeccables, un bon rythme... de la belle ouvrage, et une lecture à recommander à tous ceux qui aiment rencontrer des personnages attachants par leur simplicité et leur envie de découvrir leur propre vie, leur propre identité.