Résumé: Dans ce dernier opus, la relation entre l'écrivain de génie et sa domestique devient bouillonnante. Entre désir de gloire littéraire pour l'un et d'ascension sociale pour l'autre, ce drôle de couple cherche un équilibre... Leurs liens se resserrent au fil des épreuves, pour le meilleur et pour le pire. Un huis clos magistral !
C
éleste s’est brouillée avec son patron, Marcel Proust. Devant l’insistance de ce dernier, elle accepte de retourner à son service, mais cela se fera à ses conditions. Dorénavant, elle porte la culotte. Tout de suite, elle impose que sa sœur, Marie, vienne l’assister.
Avec Il est temps Monsieur Proust, Chloé Cruchaudet conclut son diptyque consacré à la domestique du lauréat d’un prix Goncourt. L’histoire apparaît somme toute simple, le romancier travaille un peu, dort beaucoup et se lamente énormément, laissant à sa gouvernante la liberté de tout décider.
Le projet a des allures d’allégorie. Le récit se déroule à la fin de la Première Guerre mondiale. Depuis quelques années, les conscrits sont au front ; en retrait, les femmes restent seules à prendre soin des enfants, du ménage et à occuper les emplois laissés vacants par les soldats. Les épouses comprennent qu’elles ont du potentiel, et le retour des Jules ne ralentira pas leur marche vers l’émancipation.
Cela dit, pour rendre justice à Céleste et à sa sororité, il n’était probablement pas nécessaire de faire de son employeur un pauvre type apathique. L’homme a tout de même écrit À la recherche du temps perdu, mais dans cet album, la scénariste ne le dépeint que comme une chiffe molle.
Autrice complète, Chloé Cruchaudet propose un agréable dessin caricatural et des personnages très expressifs. Le trait se révèle sommaire ; quelques coups de crayon lui suffisent pour transmettre une idée ou une émotion.
L’artiste arrive à particulièrement bien capter le mouvement. C’est vrai quand la protagoniste traverse la rue d’un pas dansant, monte un escalier à toute vitesse ou encore lorsqu’une onomatopée tout en sinuosités parcourt une page.
Les planches sont généralement composées d’au plus cinq ou six cases aux contours sinueux avec pour unique cadre les couleurs posées à l’aquarelle. La colorisation repose en grande partie sur le lilas et le vert tendre, avec, de temps à autres, des teintes plus affirmées, lesquelles dynamisent le projet.
Un portrait de Proust, à l’ombre des dames d’âge mûr… en fleurs.