Résumé: « Aujourd'hui, j'ai rencontré Chavela Vargas. Extraordinaire, lesbienne, elle est telle que je la désire... » écrit Frida Kahlo à son ami Carlos Pellicer.
Ce livre retrace le récit pudique de leur relation, conté par Chavela, trente cinq ans après la mort de Frida, à un jeune touriste rencontré dans une cantina de Coyoacán, le quartier des artistes de Mexico, par une pluvieuse après-midi. Récit de leur vie à trois, dans la merveilleuse casa azul ou elle est arrivée un soir de fête, pour n'en repartir que deux ans plus tard. Frida a dix ans de plus qu'elle et Diego bien plus encore, et c'est avec un regard émerveillé et naïf de gamine, qu'elle les observe et boit leurs paroles, leurs gestes, leurs drames et leur passion.
Cependant c'est vers Frida que va son profond attachement, Frida l'artiste, Frida la femme. Elles ont en commun d'être rebelles, insoumises aux dogmes sociaux, exploratrices de tous les possibles, dans l'art, en amour, dans leur sexualité, leur vie...
A
près s’être cogné le nez sur les portes closes du musée Frida Kahlo à Mexico, un jeune admirateur se rend dans un café. Il y croise une vieille dame qui lui raconte comment, pendant quelques années, elle a cohabité avec la peintre et son mari, Diego Rivera. La chronologie de son récit se révèle par moments fantaisiste et les contradictions nombreuses, mais l’ensemble semble assez près de la réalité. De toute façon, chaque fois qu’il émet un doute, son interlocutrice menace d’interrompre son histoire. Elle témoigne d’une vie empreinte d’excentricités qui feront dire à André Breton : « Vous êtes surréaliste » et la protagoniste de rétorquer « Non monsieur, je suis Frida Kahlo. » La narratrice s’avère être Chavela Vargas, une chanteuse traditionnelle célèbre qui s'est produite sur toutes les scènes.
Le scénario de Tyto Alba est sympathique. À travers une biographie approximative, le lecteur entrevoit la femme derrière les tableaux. La narration est volontairement déconstruite et progresse en zigzag au fil des souvenirs et des élucubrations. Le bédéphile ne perd cependant jamais le fil, et, au final, il découvre le portrait d’un être hors du commun. Malgré les maladies et les accidents, l’artiste a su vivre sa vie, libre, insoumise et créative.
Le trait, fin, nerveux, hachuré et presque torturé de l’illustrateur rappelle celui de Gipi. Cet univers graphique loge à des années-lumière de celui de l’héroïne dont le coup de pinceau est flamboyant, vivant et coloré. C’est d’ailleurs par sa mise en couleurs très vives qu’il crée un véritable pont avec la bohème. Certaines vignettes aux accents surréalistes évoquent également certaines de ses productions.
Un album frais et léger, qui sent bon l’Amérique latine.