E
n guise d’introduction à ce premier volet autobiographique d’une série qui devrait compter dix volumes, l'éditrice Kness donne un conseil qui, au fil des pages, tient plus du défi : essayer de ne lire que dix pages par jour afin de partager le rythme de lecture de ceux qui ont découvert cette œuvre là où elle est née : sur Internet ! Le challenge s’annonce cependant vite impossible, tout comme le marque-page s’avère finalement assez inutile. Difficile en effet de décrocher de cette lecture qui manque cruellement de respect vis-à-vis de l’attente journalière qu’ont endurée les internautes.
La Grenouille Noire, c’est le pseudonyme de cet homme hyper-productif qui se définit lui-même comme un mercenaire créateur d'univers, un surnom dont il dévoile d’ailleurs les origines en milieu d’album. Un auteur qui revient sur un parcours initiatique qui a tout de celui d’un combattant et qui partage ses doutes, son angoisse de la feuille blanche, ses problèmes financiers, ses états d’âme, ses projets refusés et cette reconnaissance qui tarde à venir. Entraîné dans les méandres de la vie d’artiste, de Paris à Hollywood, en passant par Londres, le lecteur appréciera le point de vue rétrospectif de l’œuvre et ce recul qui permet à La Grenouille Noire de teinter son récit d’autodérision.
Le dessin noir et blanc, pourvu d’un effet de grain, n’est visuellement pas toujours agréable, mais permet de filtrer les détails que l’auteur veut mettre en valeur. Un graphisme surprenant qui se contente principalement de servir de fond à ce récit autobiographique à la narration sincère et percutante. N’oublions pas que ces trois cent pages, servies sous format manga, sont le résultat d’un travail contre la montre, à raison de dix planches par jour.
Fruit d’une rencontre journalière entre un auteur et son public, l’histoire de cette grenouille qui en a bavé pour sortir la tête de l’eau, livre un témoignage extrêmement intéressant sur les obstacles que doivent franchir les créateurs d’aujourd’hui.