Le 07/03/2024 à 21:10:01
Il fallait, malheureusement, que Jacques Ferrandez clôture cette saga magnifique commencée en 1987 ! Durant tout ce temps, ce fils et petit-fils de pieds-noirs, conteur et illustrateur d’Histoire hors pair, a réussi à nous brosser une fresque magistrale de la colonisation puis de la décolonisation de l’Algérie jusqu’au Hirak de 2019. Dans cet album, au travers d’une dizaine de portraits, Jacques Ferrandez, avec sensibilité, rigueur et talent, dépeint les espoirs et les maux de l’Algérie post-coloniale jusqu’au printemps arabe de 2019. Paul-Yanis, Octave, Samia, le général Bouzid, Saïd ou encore Hakim sont mêlés, directement ou indirectement, aux luttes internes au sein du FLN, à la confiscation du pouvoir par les généraux, à la montée du FIS (Front Islamique du Salut) durant les années 1990 ainsi qu’à la guerre civile. Une nouvelle fois, l’auteur s’appuie sur des sources littéraires et historiques sérieuses et variées afin d’aborder, avec courage, objectivité et intelligence, des questions « sensibles » : la / les mémoire(s), la torture, les actions des islamistes et fondamentalistes, la répression des manifestations… Comme pour les albums précédents, une préface permet de mieux cerner la complexité de cette histoire algérienne et de ses acteurs. Kamel Daoud introduit, avec beaucoup de justesse, ce dernier volume. Il nous amène à ce pays « mnésique et amnésique » et à la guerre civile des années 1990-2000 où « la complexité du récit algérien, ce récit refoulé, remonta à la surface ensanglantée du champ de bataille entre islamistes et militaires. » En effet, c’est durant cette décennie noire que rejaillit ce qui n’avait pas été soldé, ce qui avait été balayé sous le tapis de l’unanimité du récit national, cette violence que l’on imputa seulement à l’Autre. Tout ce que la simplification outrageante de l’histoire imaginaire avait tenté de cacher – la traîtrise, le fratricide – revint, mais dans une violence démultipliée. Et encore une fois, le passé annula presque le présent. Et encore une fois, il y eut les maquis, les attentats, les mêmes stratégies militaires, les mêmes propagandes, le même usage des pseudonymes des « chefs » sanguinaires, la paranoïa et les purges. » Ce dernier album était indispensable afin de conclure cette saga qui est, sans conteste, un chef d’œuvre de la bande dessinée. Tout en nuances, entre espoir et tragédie, sans jamais juger, Jacques Ferrandez, nous donne à comprendre la situation complexe d’une Algérie meurtrie qui semble vouée à « une interminable destruction » (Albert Camus ). Armand BruthiauxLe 09/06/2023 à 12:30:42
Suite et fin d’une remarquable série. Je suis de la même génération que l’auteur et j’ai vécu dans un port qui a vu arriver bon nombre de rapatriés par paquebots ou même chalutiers … À l’école, j’ai côtoyé les enfants des pieds-noirs, et leurs parents sur le port. J’en garde la nostalgie, et un grand intérêt pour l’Algérie et son histoire que ces gens m’ont appris à connaître et à aimer. La seule différence, ils jouaient au foot, nous au rugby ! Pour ce dernier opus, je m’autorise à souligner deux petites choses, que devient Nour, et quid du face à face Hakim/Paul. Une interrogation aussi sur les deux généraux qui viennent de l’intérieur alors qu’il semble que l’extérieur ait fait le ménage ! Mais bon, c’est une somme superbe et instructive … on en viendrait à se demander si Jacques et Paul Yanis ne sont pas la même personne ! Magnifique … PS … et non des moindres, je note la présence de verres INAO dans plusieurs cases … quelqu’un qui aime et connaît le vin est forcément quelqu’un de bien …BDGest 2014 - Tous droits réservés