Résumé: Chronique de deux années et demie d'intervention en maison d'arrêt On m'avait prévenu, "soit tu ne tiens pas plus de deux heures, soit tu es fasciné".Entré en prison pour donner des cours de dessin à des détenus, j'y suis resté deux ans ! "Mais qu'est-ce que tu fous ici ?" me demandent d'abord mes élèves. Établir ma place puis la préserver va me demander une énergie considérable et une vigilance de chaque instant jusqu'au moment où, enfin, la confiance s'installe.Et là, les langues se délient... parfois même jusqu'à parler d'évasion ! Je m'étais préparé à découvrir un univers brutal et désolé, j'étais loin du compte. Cette expérience et ces rencontres sont au coeur de mon Carnet de prison.
I
llustrateur, Galien reçoit un appel de Marion, une travailleuse sociale avec laquelle il a collaboré pour un documentaire sur un foyer de jeunes. Celle-ci lui propose d’intégrer son nouveau projet axé sur un double atelier dont l’un, « L’Homme du futur » sera abordé par le dessin. Le lieu : le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation de Caen. La surprise passée, la curiosité et le goût du défi l’emportent chez l’artiste. Bientôt, il franchit les portes de la prison, ignorant ce qui l’attend vraiment. Commence alors un engagement de deux ans et demi, lequel lui donnera à voir la réalité du monde carcéral et des hommes qui y sont enfermés.
Préfacé par Alain Badiou, philosophe, dramaturge et professeur émérite à l’École Normale Supérieure, Carnet de prison témoigne d’une expérience unique, celle d’une animation artistique destinée à des individus privés de liberté. Catapulté dans cet univers avec son seul imaginaire et les quelques conseils de sa référente, Galien revient d’abord sur l’immense claque qu’il a reçue le premier jour et sur ses impressions concernant la rythmique des flux dans cet espace singulier. Il livre plusieurs anecdotes sur l’ordre des priorités, sur la vigilance constante nécessaire, mais aussi sur son statut d’intervenant extérieur qui suscite un mélange de suspicion et de semi-confiance, d’un côté comme de l’autre des barreaux. Il révèle également, au fil des pages, comment ses apprentis dessinateurs se confient parfois sur certains sujets, en taisent d’autres et tentent, régulièrement, de profiter de l’atelier pour s’adonner à de petits trafics ou, simplement, s’évader un court moment de leurs cellules étroites. Ainsi, l’auteur parvient à travers ses portraits, ses entretiens avec les prisonniers et ses propres observations à donner une bonne idée de la tension régnant et rongeant ceux qui y restent ou y travaillent. Dépourvu de tout misérabilisme ou d’une quelconque naïveté, le constat posé invite à réfléchir à ce système carcéral éprouvant autant que peu reluisant.
Sous le format carré de l’album, le graphisme croque de façon convaincante les tronches des résidents forcés ou des employés, leurs attitudes, de même que les longs couloirs et l’architecture pénitentiaire typique et oppressante. Le jeu des plans et cadrages permet d’en prendre la pleine mesure et de s’immerger totalement. Les illustrations et les strips sont complétés par les textes qui détaillent l’un ou l’autre aspect du quotidien « à l’ombre ».
Par son témoignage sociétal fort et sans compromis, Carnet de prison constitue une lucarne éclairante et bienvenue sur la vie sous les verrous. À découvrir.